Ravel, Musique de chambre
Le Jardin (vraiment) féerique
Ravel, Le Jardin féerique, œuvres de musique de chambre. Introduction et allegro, Quatuor à cordes, Sonatine en Trio (transcription) , Sonate pour violon et violoncelle, Le Jardin féerique, (arrangement). Les Chambristes de l’Orchestre Philharmonique de Berlin. CD Indésens
Sous le titre expressif de Jardin féerique paraît un disque lumineux et raffiné de la musique de chambre de Ravel, hors celle avec piano. Il est le fruit savoureux d’un groupe de sept musiciens issus de l’Orchestre Philharmonique de Berlin que l’on nommera nécessairement au fil de ce compte rendu, conquis par la valeur de ses individualités et l’harmonie de l’ensemble chambriste. D’emblée le septuor impose la transparence de ses couleurs et le chatoiement des timbres pour l’Introduction et Allegro subtil, tendre et vaporeux, d’une éloquente vivacité. La harpe de Marie-Pierre Langlamet fait s’envoler ses arpèges avec une grâce qui auréole le mystère onirique de ce double mouvement enchaîné: on admire comment chacun distille les charmes de son instrument et cependant les tisse dans une draperie soyeuse, opalescente. Dans le merveilleux Quatuor à cordes en fa majeur Ravel et ses interprètes inspirés ont l’art de susciter des images, d’évoquer des sensations qui sont doux effleurements, scintillements, envolées furtives, sonorités inouïes, plaintes secrètes. On touche là un des plus parfaits enregistrements de cette œuvre si personnelle. Très doux indique le compositeur pour le premier mouvement: le velours de l’alto d’Ignacy Miecznikowski, la vibration lyrique du violoncelle de Bruno Delepelaire rythment la marche nonchalante que les deux violons de Christophe Horak et Simon Roturier parent des découvertes souriantes (envols? miroitement?) d’un promeneur rêveur. Quelle délicatesse dans les pizzicati pointus du deuxième temps avant l’épanchement élégiaque si pudiquement retenu. Le rythme se révèle idéal aussi pour letroisième temps Très lent, fuyant tout pathos, toute tension et palpitant d’éblouissementsfugaces. Le mouvement final émerveille par sa vivacité contrôlée et sa vigueur toujours élégante. Décidément, une version de référence. On retrouve des qualités d’exécution comparables dans la Sonatine en trio, transcrite pour flûte, alto et harpe par Carlos Salzedo, harpiste et compositeur français (1885-1961). La flûte magicienne d’Emmanuel Pahud sublime l’alto racé d’Ignacy Miecznikowski alors que la harpe ponctue d’accords profonds la ligne mélodique au tempo soigneusement contrôlé. Selon les mots mêmes d’Emile Wuillermoz cités dans la notice, «on y voit honorés, sans arrière pensée, le charme et la grâce». La Sonate pour violon et violoncelle, cette «machine pour deux instruments» (Ravel) pourtant si sensiblea pour elle l’âpreté du trait, la netteté des lignes et le clair accord des deux virtuoses Christophe Horak et Bruno Delepelaire, partisans d’une interprétation dépouillée, mais sans austérité. Le violoncelliste autrichien Stephan Koncz, membre du Berliner Philharmoniker, a écrit pour ses partenaires un arrangement du dernier tableau de Ma Mère l’Oye où l’on retrouve la même composition de formation chambriste que pour la pièce initiale du disque: flûte, clarinette, harpe et quatuor à cordes. La profusion des couleurs parvient in fine à atteindre celle de la pièce orchestrale: que de parfums, de bruissements dans ce Jardin féerique, ébloui et éblouissant dan sa gravité nocturne même. Rendons hommage à la beauté enivrante de la clarinette de Wenzel Fuchs que sertit la souple complicité de ses confrères et amis.
Un enregistrement d’une richesse et d’une beauté rares pour rendre hommage à une part essentielle de la musique de chambre de Maurice Ravel, conteur pudique et enchanteur. Ce «septuor» de circonstance et d’exception se doit de renouveler cette expérience musicale et notre ravissement.
Jean Jordy
Sous le titre expressif de Jardin féerique paraît un disque lumineux et raffiné de la musique de chambre de Ravel, hors celle avec piano. Il est le fruit savoureux d’un groupe de sept musiciens issus de l’Orchestre Philharmonique de Berlin que l’on nommera nécessairement au fil de ce compte rendu, conquis par la valeur de ses individualités et l’harmonie de l’ensemble chambriste. D’emblée le septuor impose la transparence de ses couleurs et le chatoiement des timbres pour l’Introduction et Allegro subtil, tendre et vaporeux, d’une éloquente vivacité. La harpe de Marie-Pierre Langlamet fait s’envoler ses arpèges avec une grâce qui auréole le mystère onirique de ce double mouvement enchaîné: on admire comment chacun distille les charmes de son instrument et cependant les tisse dans une draperie soyeuse, opalescente. Dans le merveilleux Quatuor à cordes en fa majeur Ravel et ses interprètes inspirés ont l’art de susciter des images, d’évoquer des sensations qui sont doux effleurements, scintillements, envolées furtives, sonorités inouïes, plaintes secrètes. On touche là un des plus parfaits enregistrements de cette œuvre si personnelle. Très doux indique le compositeur pour le premier mouvement: le velours de l’alto d’Ignacy Miecznikowski, la vibration lyrique du violoncelle de Bruno Delepelaire rythment la marche nonchalante que les deux violons de Christophe Horak et Simon Roturier parent des découvertes souriantes (envols? miroitement?) d’un promeneur rêveur. Quelle délicatesse dans les pizzicati pointus du deuxième temps avant l’épanchement élégiaque si pudiquement retenu. Le rythme se révèle idéal aussi pour letroisième temps Très lent, fuyant tout pathos, toute tension et palpitant d’éblouissementsfugaces. Le mouvement final émerveille par sa vivacité contrôlée et sa vigueur toujours élégante. Décidément, une version de référence. On retrouve des qualités d’exécution comparables dans la Sonatine en trio, transcrite pour flûte, alto et harpe par Carlos Salzedo, harpiste et compositeur français (1885-1961). La flûte magicienne d’Emmanuel Pahud sublime l’alto racé d’Ignacy Miecznikowski alors que la harpe ponctue d’accords profonds la ligne mélodique au tempo soigneusement contrôlé. Selon les mots mêmes d’Emile Wuillermoz cités dans la notice, «on y voit honorés, sans arrière pensée, le charme et la grâce». La Sonate pour violon et violoncelle, cette «machine pour deux instruments» (Ravel) pourtant si sensiblea pour elle l’âpreté du trait, la netteté des lignes et le clair accord des deux virtuoses Christophe Horak et Bruno Delepelaire, partisans d’une interprétation dépouillée, mais sans austérité. Le violoncelliste autrichien Stephan Koncz, membre du Berliner Philharmoniker, a écrit pour ses partenaires un arrangement du dernier tableau de Ma Mère l’Oye où l’on retrouve la même composition de formation chambriste que pour la pièce initiale du disque: flûte, clarinette, harpe et quatuor à cordes. La profusion des couleurs parvient in fine à atteindre celle de la pièce orchestrale: que de parfums, de bruissements dans ce Jardin féerique, ébloui et éblouissant dan sa gravité nocturne même. Rendons hommage à la beauté enivrante de la clarinette de Wenzel Fuchs que sertit la souple complicité de ses confrères et amis.
Un enregistrement d’une richesse et d’une beauté rares pour rendre hommage à une part essentielle de la musique de chambre de Maurice Ravel, conteur pudique et enchanteur. Ce «septuor» de circonstance et d’exception se doit de renouveler cette expérience musicale et notre ravissement.
Jean Jordy
Publié le 21/04/2021 à 00:10.