Amanda Favier, violon
Stravinsky, Corigliano
Igor Stravinsky, Concerto en Ré majeur pour violon et orchestre, John Corigliano, Red Violon Concerto pour violon et orchestre. Amanda Favier, violon. Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Adrien Perrichon, direction. CD NoMadMusic 58’48.
On pourrait intituler cet album Histoires de violons. Certains se rappelleront le concert de juillet 2018 à la Chapelle des Carmélites de Toulouse: Amanda Favier racontait en musique «de Venise à Venise l’itinéraire d’un violon gâté», un instrumentfabriqué dans la Sérénissime en 1723 par le luthier Matteo Goffriler et dont désormais notre virtuose est l’heureuse propriétaire. Il figure au premier plan de la pochette du disque réunissant deux concertos du XX° siècle. Dans la notice, Amanda Favier confie que la découverte de celui de Stravinsky à quatre ans a déterminé sa vocation. Il fait intimement partie d’elle: elle en exprime l’essence. On reconnaît ce qu’on aime chez le compositeur de l’Histoire du Soldat - une autre histoire de violon -dont on retrouve le climat et les couleurs dans bien des passages: l’énergie et l’humour, la pulsation et le brillant, l’ordre et l’audace, la finesse et la force, la tradition (référence à Bach) et la singularité (l’ouverture commune aux quatre mouvements). La lecture qu’en propose la violoniste française se caractérise par une forme de distinction qui n’exclut ni la joueuse virtuosité (Capriccio final) ni le lyrisme apaisé (Aria II). L’archet est vif, léger, piquant, et l’expression toujours juste, sans excès d’aucune sorte. La texture orchestrale se révèle aérienne, servie avec précision par un Orchestre (vraiment) Royal de Liège sous la baguette lutine d’Adrien Perrichon. La fusion entre l’instrument et la formation orchestrale est d’autant plus heureuse que Stravinsky, loin de les opposer, les fait jouer, dialoguer ou se fondre et tous les interprètes ici partagent la même conception quasiment intimiste ou chambriste de l’œuvre. Un bel accord.
En 2000, John Corigliano a remporté un Oscar pour la musique du film Le Violon rouge (1998), autre récit d’un violon voyageant à travers les siècles et les pays. A partir de cette partition célébrée, hommage à son père ancien premier violon du New York Philarmonic, le compositeur américain a conçu sous le même titre un concerto pour l’instrument à cordes. On renvoie à l’analyse descriptive que le musicien lui même en propose dans le livret d’accompagnement. Le savoir faire est réel, à mi chemin entre hommage ému à la figure paternelle et effets plus spectaculaires liés aux exigences de la musique de film et à ses épisodes. Même si l’œuvre «dans le genre de la grande tradition» (l’auteur dixit) ne brille pas par une fulgurante audace, la troublante Chaconne initiale (16’) propose un parcours dont la construction d’essence baroque impose noblement les nervures. L’auditeur peut être sensible tantôt à un climat à l’onirisme tendre et irisé, tantôt à des accélérations et des forte qui surprennent et secouent. On comprend que l’interprète ait été séduite, plus que nous sans doute, par ce concerto qui lui permet des changements de couleurs et de rythmes et lui donne la possibilité d’alterner des retenues et des emportements, la fougue et la tendresse, la transparence et la puissance. Ici encore l’osmose entre l’orchestre et la violoniste s’avère totale.
Après le beau duo en 2016 avec Célimène Daudet dans des sonates pour piano et violon de Beethoven, Amanda Favier signe, hardiesse et talent réunis, un disque associant deux concertos dont tous les interprètes servent avec fougue les singulières et rassurantes modernités.
Jean Jordy
On pourrait intituler cet album Histoires de violons. Certains se rappelleront le concert de juillet 2018 à la Chapelle des Carmélites de Toulouse: Amanda Favier racontait en musique «de Venise à Venise l’itinéraire d’un violon gâté», un instrumentfabriqué dans la Sérénissime en 1723 par le luthier Matteo Goffriler et dont désormais notre virtuose est l’heureuse propriétaire. Il figure au premier plan de la pochette du disque réunissant deux concertos du XX° siècle. Dans la notice, Amanda Favier confie que la découverte de celui de Stravinsky à quatre ans a déterminé sa vocation. Il fait intimement partie d’elle: elle en exprime l’essence. On reconnaît ce qu’on aime chez le compositeur de l’Histoire du Soldat - une autre histoire de violon -dont on retrouve le climat et les couleurs dans bien des passages: l’énergie et l’humour, la pulsation et le brillant, l’ordre et l’audace, la finesse et la force, la tradition (référence à Bach) et la singularité (l’ouverture commune aux quatre mouvements). La lecture qu’en propose la violoniste française se caractérise par une forme de distinction qui n’exclut ni la joueuse virtuosité (Capriccio final) ni le lyrisme apaisé (Aria II). L’archet est vif, léger, piquant, et l’expression toujours juste, sans excès d’aucune sorte. La texture orchestrale se révèle aérienne, servie avec précision par un Orchestre (vraiment) Royal de Liège sous la baguette lutine d’Adrien Perrichon. La fusion entre l’instrument et la formation orchestrale est d’autant plus heureuse que Stravinsky, loin de les opposer, les fait jouer, dialoguer ou se fondre et tous les interprètes ici partagent la même conception quasiment intimiste ou chambriste de l’œuvre. Un bel accord.
En 2000, John Corigliano a remporté un Oscar pour la musique du film Le Violon rouge (1998), autre récit d’un violon voyageant à travers les siècles et les pays. A partir de cette partition célébrée, hommage à son père ancien premier violon du New York Philarmonic, le compositeur américain a conçu sous le même titre un concerto pour l’instrument à cordes. On renvoie à l’analyse descriptive que le musicien lui même en propose dans le livret d’accompagnement. Le savoir faire est réel, à mi chemin entre hommage ému à la figure paternelle et effets plus spectaculaires liés aux exigences de la musique de film et à ses épisodes. Même si l’œuvre «dans le genre de la grande tradition» (l’auteur dixit) ne brille pas par une fulgurante audace, la troublante Chaconne initiale (16’) propose un parcours dont la construction d’essence baroque impose noblement les nervures. L’auditeur peut être sensible tantôt à un climat à l’onirisme tendre et irisé, tantôt à des accélérations et des forte qui surprennent et secouent. On comprend que l’interprète ait été séduite, plus que nous sans doute, par ce concerto qui lui permet des changements de couleurs et de rythmes et lui donne la possibilité d’alterner des retenues et des emportements, la fougue et la tendresse, la transparence et la puissance. Ici encore l’osmose entre l’orchestre et la violoniste s’avère totale.
Après le beau duo en 2016 avec Célimène Daudet dans des sonates pour piano et violon de Beethoven, Amanda Favier signe, hardiesse et talent réunis, un disque associant deux concertos dont tous les interprètes servent avec fougue les singulières et rassurantes modernités.
Jean Jordy
Publié le 31/01/2021 à 17:11, mis à jour le 31/01/2021 à 17:13.