Alfred Bruneau
Premières mondiales bienvenues
La Nuit de Mai, Alfred Bruneau. Chants antiques, Plein Air, Un Miracle, Soirée, La Nuit de Mai, Romance pour violon, Fantaisie pour cor, Romance pour alto, Deux morceaux de genre pour violoncelle, Romance pour quatuor de clarinettes, Prélude de l’Enfant Roi. Cyrille Dubois, ténor, Jeff Cohen, piano, Vincent Figuri, Quatuor Varèse, Marie Normant, Jens McManama, Quatuor Anches Hantées. Double CD Salamandre.
Sous le titre La Nuit de Mai paraît un double CD consacré à la musique de chambre instrumentale et lyrique d’Alfred Bruneau (1857 – 1934). Auteur de douze opéras, de dizaines de mélodies, de cantates, il n’est pas seulement l’ami de Zola et le compositeur de plusieurs drames sur des livrets du romancier (Le Rêve, L’Attaque du Moulin, Messidor, L’Ouragan, L’Enfant Roi), trop peu interprétés. A l’exception de la brève Soirée, toutes les œuvres ici réunies sous le label Salamandre s’avèrent des premières mondiales au disque. C’est dire l’intérêt de l’enregistrement conçu par Vincent Figuri. L’acteur y interprète aussi, avec un talent dramatique indéniable, le célèbre poème de Musset qui donne son titre à l’ensemble dans une composition originale, noble et fluide pour harpe, quatuor à cordes et récitant (1886). Les Chants antiques (1927), cycle de dix mélodies sur des textes choisis d’André Chénier, inaugure le premier disque. Cette découverte est un enchantement. La poésie de Chénier est savante, complexe, pétrie de références culturelles, toujours élevée, souvent teintée d’un érotisme drapé (A Chromis) ou d’un sourire discret (La Jeune locrienne). La musique de Bruneau sait accéder à la hauteur du poète dont il saisit l’élégante plasticité, la vigoureuse souplesse, l’humeur à peine espiègle. Le ténor français Cyrille Dubois, voix jeune et puissante, saine et mélodieuse, lui confère un surcroît de dignité et d’harmonie. On ne peut qu’admirer la clarté de l’élocution, la souple respiration du vers et de la phrase, la tenue de la ligne, la distinction d’un timbre lumineux, la variété des couleurs, le style enfin. L’accompagnement au piano – excellent Jeff Cohen – discret, quoique souvent savant, laisse la ligne vocale se déployer au service de la compréhension immédiate du texte. On retrouve les mêmes qualités d’interprétation complice dans le cycle Plein air (1932) sur dix poèmes plus liquides de Gautier ou dans les deux Richepin (1889) frémissants. En dire la grâce risquerait de donner une idée erronée d’une musique qui conjugue délicatesse et plénitude de la communion entre le texte et la mélodie, la subtilité du piano et le raffinement de l’interprétation vocale. Et quel bonheur de découvrir une Barcarolle, légère, évanescente, dont le texte a inspiré L’Île inconnue de Berlioz dans les Nuits d’été! Le second disque fait la part belle à des romances et autres fantaisies où à tour de rôle le cor, le violoncelle, l’alto, les clarinettes ou le piano, seuls ou associés, parent de couleurs subtiles des pages qu’on prend grand plaisir à découvrir, sans que toutefois s’opère le même émerveillement. Les instrumentistes du Quatuor Anches Hantées ou du Varèse, la harpe de Marie Normant ou le cor de Jens McManama se révèlent pleinement sensibles à une musique inventive et châtiée, servie avec une pudeur mélancolique qui semble être le climat même du compositeur.
Merci à tous les collaborateurs de cette entreprise de réhabilitation d’un musicien trop rare et félicitations au label qui ose s’aventurer loin des chemins battus avec une remarquable qualité éditoriale (beau livret avec les textes des poèmes), technique et musicale. Ces premières mondiales s’imposaient.
Jean Jordy
Sous le titre La Nuit de Mai paraît un double CD consacré à la musique de chambre instrumentale et lyrique d’Alfred Bruneau (1857 – 1934). Auteur de douze opéras, de dizaines de mélodies, de cantates, il n’est pas seulement l’ami de Zola et le compositeur de plusieurs drames sur des livrets du romancier (Le Rêve, L’Attaque du Moulin, Messidor, L’Ouragan, L’Enfant Roi), trop peu interprétés. A l’exception de la brève Soirée, toutes les œuvres ici réunies sous le label Salamandre s’avèrent des premières mondiales au disque. C’est dire l’intérêt de l’enregistrement conçu par Vincent Figuri. L’acteur y interprète aussi, avec un talent dramatique indéniable, le célèbre poème de Musset qui donne son titre à l’ensemble dans une composition originale, noble et fluide pour harpe, quatuor à cordes et récitant (1886). Les Chants antiques (1927), cycle de dix mélodies sur des textes choisis d’André Chénier, inaugure le premier disque. Cette découverte est un enchantement. La poésie de Chénier est savante, complexe, pétrie de références culturelles, toujours élevée, souvent teintée d’un érotisme drapé (A Chromis) ou d’un sourire discret (La Jeune locrienne). La musique de Bruneau sait accéder à la hauteur du poète dont il saisit l’élégante plasticité, la vigoureuse souplesse, l’humeur à peine espiègle. Le ténor français Cyrille Dubois, voix jeune et puissante, saine et mélodieuse, lui confère un surcroît de dignité et d’harmonie. On ne peut qu’admirer la clarté de l’élocution, la souple respiration du vers et de la phrase, la tenue de la ligne, la distinction d’un timbre lumineux, la variété des couleurs, le style enfin. L’accompagnement au piano – excellent Jeff Cohen – discret, quoique souvent savant, laisse la ligne vocale se déployer au service de la compréhension immédiate du texte. On retrouve les mêmes qualités d’interprétation complice dans le cycle Plein air (1932) sur dix poèmes plus liquides de Gautier ou dans les deux Richepin (1889) frémissants. En dire la grâce risquerait de donner une idée erronée d’une musique qui conjugue délicatesse et plénitude de la communion entre le texte et la mélodie, la subtilité du piano et le raffinement de l’interprétation vocale. Et quel bonheur de découvrir une Barcarolle, légère, évanescente, dont le texte a inspiré L’Île inconnue de Berlioz dans les Nuits d’été! Le second disque fait la part belle à des romances et autres fantaisies où à tour de rôle le cor, le violoncelle, l’alto, les clarinettes ou le piano, seuls ou associés, parent de couleurs subtiles des pages qu’on prend grand plaisir à découvrir, sans que toutefois s’opère le même émerveillement. Les instrumentistes du Quatuor Anches Hantées ou du Varèse, la harpe de Marie Normant ou le cor de Jens McManama se révèlent pleinement sensibles à une musique inventive et châtiée, servie avec une pudeur mélancolique qui semble être le climat même du compositeur.
Merci à tous les collaborateurs de cette entreprise de réhabilitation d’un musicien trop rare et félicitations au label qui ose s’aventurer loin des chemins battus avec une remarquable qualité éditoriale (beau livret avec les textes des poèmes), technique et musicale. Ces premières mondiales s’imposaient.
Jean Jordy
Publié le 24/01/2021 à 17:46, mis à jour le 24/01/2021 à 17:47.