Le Chant de l'âme
Matteo Fossi
Frédéric Chopin. Le Chant de l’âme. Mazurkas op, 6, 30, 33, 50, 59, 68; Fantaisie Impromptu op. 66; Impromptus n°1 op, 29, n°2 op, 36, n°3 op, 51; Berceuse, op, 57, Matteo Fossi, piano. CD Hortus 78’11.
Puisant dans l’œuvre abondante de Frédéric Chopin, le pianiste italien Matteo Fossi compose un florilège subtil des quelque cinquante mazurkas connues, soit ici une vingtaine que relient des impromptus choisis avec une fine intelligence musicale. Comment éviter le risque de monotonie dans cette succession de danses au rythme contraint? D’abord en composant l’enregistrement comme un témoignage (auto)biographique qui suit la vie du musicien polonais de 1830 à 1849, et sa relation privilégiée et continue avec la danse de son pays. Ensuite, en intercalant entre les bouquets de mazurkas, d’autres confidences prenant la forme délicate de ces impromptus qui semblent couler de source et résultent d’un travail de composition harassant. Enfin et surtout, en interprétant chaque pièce brève, excédant rarement trois minutes, comme un orfèvre ciselant des miniatures. Le jeu ne cherche pas la brillance, le brio, l’éclat, mais toujours l’expression pudique de l’émotion la plus pure. La Mazurka op. 33 n°3 en si mineur se révèle à cet égard significative: le rythme est là, marqué, mais cependant feutré, le propos avance calmement, jusqu’à une fin plus abrupte, mais ici encore retenue. S’enchaîne avec justesse l’Impromptu n°2 op. 36, plus vieux d’un an à peine (1839), et dont la profondeur semble sourdre de la danse précédente. Cette fluidité témoigne d’une profonde connaissance du compositeur. Dans l’ensemble de l’enregistrement, la ligne reste constamment claire, rien n’en affadit la pureté, n’en morcelle le discours, n’en brise le cours mélodique. Et cette (fausse) simplicité crée des moments musicaux étonnamment variés, miroirs changeants de l’âme du compositeur. D’une pièce à l’autre, on apprécie la souplesse du rythme (Mazurkas op. 6) ou la vivacité du discours (Impromptu n°1 op 29), la délicatesse du toucher, l’équilibre et l’harmonie des œuvres distinguées, dont la Berceuse op. 57 en ré bémol majeur exprime la quintessence. C’est moins un enfant souffrant qu’il s’agit d’endormir, que la souffrance intime, le secret douloureux du compositeur qu’il convient d’apaiser.
Matteo Fossi ajoute ainsi à une abondante discographie où on compte des enregistrements d’œuvres de Schubert, Schumann, Brahms, Schoenberg, Roussel, Debusssy… un Chopin, douloureux mais sobre, toujours chantant d’un lyrisme émouvant, voire d’un héroïsme digne, et d’une voix familière qui parle au cœur et à l’âme.
Jean Jordy
Puisant dans l’œuvre abondante de Frédéric Chopin, le pianiste italien Matteo Fossi compose un florilège subtil des quelque cinquante mazurkas connues, soit ici une vingtaine que relient des impromptus choisis avec une fine intelligence musicale. Comment éviter le risque de monotonie dans cette succession de danses au rythme contraint? D’abord en composant l’enregistrement comme un témoignage (auto)biographique qui suit la vie du musicien polonais de 1830 à 1849, et sa relation privilégiée et continue avec la danse de son pays. Ensuite, en intercalant entre les bouquets de mazurkas, d’autres confidences prenant la forme délicate de ces impromptus qui semblent couler de source et résultent d’un travail de composition harassant. Enfin et surtout, en interprétant chaque pièce brève, excédant rarement trois minutes, comme un orfèvre ciselant des miniatures. Le jeu ne cherche pas la brillance, le brio, l’éclat, mais toujours l’expression pudique de l’émotion la plus pure. La Mazurka op. 33 n°3 en si mineur se révèle à cet égard significative: le rythme est là, marqué, mais cependant feutré, le propos avance calmement, jusqu’à une fin plus abrupte, mais ici encore retenue. S’enchaîne avec justesse l’Impromptu n°2 op. 36, plus vieux d’un an à peine (1839), et dont la profondeur semble sourdre de la danse précédente. Cette fluidité témoigne d’une profonde connaissance du compositeur. Dans l’ensemble de l’enregistrement, la ligne reste constamment claire, rien n’en affadit la pureté, n’en morcelle le discours, n’en brise le cours mélodique. Et cette (fausse) simplicité crée des moments musicaux étonnamment variés, miroirs changeants de l’âme du compositeur. D’une pièce à l’autre, on apprécie la souplesse du rythme (Mazurkas op. 6) ou la vivacité du discours (Impromptu n°1 op 29), la délicatesse du toucher, l’équilibre et l’harmonie des œuvres distinguées, dont la Berceuse op. 57 en ré bémol majeur exprime la quintessence. C’est moins un enfant souffrant qu’il s’agit d’endormir, que la souffrance intime, le secret douloureux du compositeur qu’il convient d’apaiser.
Matteo Fossi ajoute ainsi à une abondante discographie où on compte des enregistrements d’œuvres de Schubert, Schumann, Brahms, Schoenberg, Roussel, Debusssy… un Chopin, douloureux mais sobre, toujours chantant d’un lyrisme émouvant, voire d’un héroïsme digne, et d’une voix familière qui parle au cœur et à l’âme.
Jean Jordy
Publié le 03/02/2020 à 20:56, mis à jour le 12/01/2022 à 21:50.