De La Presle, Paray, Delvincourt
Sonates pour violon et piano
Sonates de la côte d’Albâtre. Jacques de La Presle, Paul Paray, Claude Delvincourt. Gautier Dooghe, violon, Alain Raës, piano. CD Azur Classical. 74’33
Quel est le point commun des trois compositeurs français réunis? Condisciples au Conservatoire de Paris, fréquentant la côte normande, amis très proches, ils ont tous trois à quelques années d’intervalle remporté le Premier grand Prix de Rome de composition musicale au début du XXe siècle. Le centre International Albert-Roussel qui œuvre à intensifier la connaissance et la diffusion des œuvres du compositeur de Padmâvati et de ses contemporains parraine cet enregistrement lumineux des trois sonates pour violon et piano de Jacques de La Presle, Paul Paray et Claude Delvincourt, sous le titre quasi proustien de Sonates de la côte d’Albâtre. Celle, troublante, de Jacques de La Presle écrite en 1913-1914 ouvre l’album. Le violon, d’une mélodie dont le lyrisme va se déployant, enveloppe un piano insistant: son ostinato n’est pas celui d’un glas, mais l’expression sereine d’une opiniâtreté. Puis la musique s’anime, confiant aux deux solistes, également engagés dans l’expansion lyrique, l’occasion d’un dialogue vivement conduit que conclut un accord ardent. Les deux mouvements suivants reprennent la même alternance de rythme, le Lent qu’exalte le violon passionné de Gautier Dooghe, puis l’Animé pour unecourse fiévreuse et souple dont le piano galopant d’Alain Raës développe le cheminement heureux. Grand chef d’orchestre, Paul Paray est moins connu pour sa musique de chambre dont on entend ici la sonate composée en 1908. L’adjectif amabile (et le rapprochement avec cantabile s’impose), terme dont le compositeur distingue l’Allegro du mouvement central, pourrait qualifier l’ensemble de l’œuvre et son interprétation chantante en effet, légère de rythme, mais riche d’harmonies. La précieuse notice musicologique signée Damien Top y relève des échos de Roussel ou Fauré. Frappent surtout sa séduction immédiate, la limpidité du style et sa fantaisie rêveuse, comme adolescente portée par deux interprètes sensiblement amoureux de cette pièce épanouie, et qu’on entend trop peu. De Claude Delvincourt, le public goûte parfois au concert les savoureux Croquembouches. Le même label Azur Classical publie par ailleurs l’intégrale de sa musique de chambre, dont un premier volume consacré au violon et au piano, déjà chroniqué sur notre site. C’est ici tout naturellement la sonate pour les deux instruments qu’interprètent Gautier Dooghe et Alain Raës. Le climat apparaît bien différent de celui des autres pièces du disque, plus grave, plus inquiet, angoissé. La date de sa composition 1919 suffit à justifier ce changement. Dans le premier mouvement, le violon exacerbe sa plainte alors que le piano semble balbutier ou tâtonner. Le deuxième, prétendument Vif et Gai se proclame plus heureux. Mais malgré quelques gambades primesautières, voire espiègles, on y semble en quête d’une tonalité définie, d’un apaisement bien fuyant. Le dernier, en vérité Calme, mystérieux et lointain, puis Animé selon les indications mêmes du musicien, n’apaise pas le trouble dont violoniste et pianiste savent exprimer la pudique profondeur.
Probité, simplicité, discrétion, mais aussi émotion, limpidité, équilibre, telles sont les qualités de cette interprétation de musique de chambre française, dans un album rare composé avec goût et raffinement, unissant dans une féconde confrontation trois compositeurs amis et trop peu joués.
Jean Jordy
Quel est le point commun des trois compositeurs français réunis? Condisciples au Conservatoire de Paris, fréquentant la côte normande, amis très proches, ils ont tous trois à quelques années d’intervalle remporté le Premier grand Prix de Rome de composition musicale au début du XXe siècle. Le centre International Albert-Roussel qui œuvre à intensifier la connaissance et la diffusion des œuvres du compositeur de Padmâvati et de ses contemporains parraine cet enregistrement lumineux des trois sonates pour violon et piano de Jacques de La Presle, Paul Paray et Claude Delvincourt, sous le titre quasi proustien de Sonates de la côte d’Albâtre. Celle, troublante, de Jacques de La Presle écrite en 1913-1914 ouvre l’album. Le violon, d’une mélodie dont le lyrisme va se déployant, enveloppe un piano insistant: son ostinato n’est pas celui d’un glas, mais l’expression sereine d’une opiniâtreté. Puis la musique s’anime, confiant aux deux solistes, également engagés dans l’expansion lyrique, l’occasion d’un dialogue vivement conduit que conclut un accord ardent. Les deux mouvements suivants reprennent la même alternance de rythme, le Lent qu’exalte le violon passionné de Gautier Dooghe, puis l’Animé pour unecourse fiévreuse et souple dont le piano galopant d’Alain Raës développe le cheminement heureux. Grand chef d’orchestre, Paul Paray est moins connu pour sa musique de chambre dont on entend ici la sonate composée en 1908. L’adjectif amabile (et le rapprochement avec cantabile s’impose), terme dont le compositeur distingue l’Allegro du mouvement central, pourrait qualifier l’ensemble de l’œuvre et son interprétation chantante en effet, légère de rythme, mais riche d’harmonies. La précieuse notice musicologique signée Damien Top y relève des échos de Roussel ou Fauré. Frappent surtout sa séduction immédiate, la limpidité du style et sa fantaisie rêveuse, comme adolescente portée par deux interprètes sensiblement amoureux de cette pièce épanouie, et qu’on entend trop peu. De Claude Delvincourt, le public goûte parfois au concert les savoureux Croquembouches. Le même label Azur Classical publie par ailleurs l’intégrale de sa musique de chambre, dont un premier volume consacré au violon et au piano, déjà chroniqué sur notre site. C’est ici tout naturellement la sonate pour les deux instruments qu’interprètent Gautier Dooghe et Alain Raës. Le climat apparaît bien différent de celui des autres pièces du disque, plus grave, plus inquiet, angoissé. La date de sa composition 1919 suffit à justifier ce changement. Dans le premier mouvement, le violon exacerbe sa plainte alors que le piano semble balbutier ou tâtonner. Le deuxième, prétendument Vif et Gai se proclame plus heureux. Mais malgré quelques gambades primesautières, voire espiègles, on y semble en quête d’une tonalité définie, d’un apaisement bien fuyant. Le dernier, en vérité Calme, mystérieux et lointain, puis Animé selon les indications mêmes du musicien, n’apaise pas le trouble dont violoniste et pianiste savent exprimer la pudique profondeur.
Probité, simplicité, discrétion, mais aussi émotion, limpidité, équilibre, telles sont les qualités de cette interprétation de musique de chambre française, dans un album rare composé avec goût et raffinement, unissant dans une féconde confrontation trois compositeurs amis et trop peu joués.
Jean Jordy
Publié le 20/10/2019 à 17:54, mis à jour le 09/09/2021 à 19:45.