Mozart…
… se met en quatre !
Amadeus. Mozart, La flûte enchantée (arrangement). Quatuor à cordes n°14, K. 387. Quatuor Zaïde. CD NoMadMusic 72’04.
Les dix-neuf premières plages du disque Amadeus enregistré par l’ensemble féminin Zaïde sont intitulées The magic Flute (arr. ). Plus explicitement, le livret précise en français cette fois qu’il s’agit d’une transcription pour quatuor à cordes de l’opéra de Mozart La Flûte enchantée K. 620. Suivant une mode qui voit nombre de talentueux et opportunistes arrangeurs s’emparer du succès de l’œuvre, un compositeur anonyme, encore non identifié par la recherche musicologique, en propose un long arrangement pour deux violons, alto et violoncelle (47’), propre à être joué dans les salons. C’est du Mozart et ce n’est pas de Mozart. Le rapprochement avec le magnifique Quatuor n°14 K. 387 qui constitue la seconde partie du disque souligne, un peu cruellement, la différence d’envergure entre les deux œuvres. Le Quatuor Zaïde, dont nous avons salué le précédent album sous le même label, anime de toute sa flamme et son esprit subtil les réminiscences, selon le terme de Liszt, arrangeur autrement génial, du grand œuvre mozartien. L’auditeur est séduit, sourit, se plait à ces relectures prestes, mais cela reste au niveau du divertissement. Si l’ouverture et autres pages solennelles manquent de la force originelle, on aime retrouver sous les véloces et hardis archets féminins de Charlotte Maclet, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf, Juliette Salmona, l’alacrité de Papageno, le sourire lumineux de Tamina, la tendresse de Tamino, le mystère des Trois garçons, et l’étincelante furie de la Reine de la Nuit. L’épisode initial bénéficie d’un jeu bondissant qui joint à l’urgence dramatique une verve ironique qui triomphe dans les pizzicati accompagnant Monostatos et ses esclaves. Et le final sait retrouver l’exemplaire alliance entre la fantaisie et la grandeur propre au génial créateur. C’est sans doute à nos yeux dans le bouleversant air de Pamina Ach, ich fühl’s que l’esprit du quatuor mozartien trouve sa plénitude. Peut-on faire meilleur compliment aux interprètes que d’avouer que, loin d’être frustrante, l’absence de chant se trouve in fine compensée par le lyrisme et la poésie émanant de leur engagement?
Le Quatuor n°14 est le premier des six quatuors dédiés à Haydn que Mozart lui adresse avec ces mots touchants: «Je vous envoie mes six enfants à vous qui êtes à la fois un homme célèbre et un ami cher. Ils sont le fruit d’un long et pénible labeur». A la différence de l’œuvre précédente proposée par les Zaide, ce qui frappe d’emblée est la densité de l’écriture, sa richesse, la plénitude des sonorités mariées. Et dans l’interprétation de notre quatuor, outre l’osmose entre les instruments, une sorte de franchise, de naturel sans sophistication, de générosité qui rend sensibles à la fois les élans du compositeur et les mystérieuses suspensions qui éclosent par exemple au cœur du Minuetto. L’Andante cantabile s’avère chantant comme il se doit, mais aussi virtuose (premier violon) et tendre aussi, émouvant par ses silences, d’une noble grandeur, digne des plus élevés chefs d’œuvre de Mozart, et joué ici avec toute la profondeur attendue. Le triomphant Molto Allegro final se rit de l’art de la fugue découvert récemment chez Bach avec l’allégresse d’un amoureux sûr d’être aimé, et d’avoir vaincu les résistances qu’on lui imposait. Et le quatuor Zaïde traduit à merveille cette effervescente épiphanie de la forme conquise. C’est peut-être en cela que les deux œuvres au programme se répondent enfin: elles mettent en scène et en musique le chant d’Amadeus.
Jean Jordy
Les dix-neuf premières plages du disque Amadeus enregistré par l’ensemble féminin Zaïde sont intitulées The magic Flute (arr. ). Plus explicitement, le livret précise en français cette fois qu’il s’agit d’une transcription pour quatuor à cordes de l’opéra de Mozart La Flûte enchantée K. 620. Suivant une mode qui voit nombre de talentueux et opportunistes arrangeurs s’emparer du succès de l’œuvre, un compositeur anonyme, encore non identifié par la recherche musicologique, en propose un long arrangement pour deux violons, alto et violoncelle (47’), propre à être joué dans les salons. C’est du Mozart et ce n’est pas de Mozart. Le rapprochement avec le magnifique Quatuor n°14 K. 387 qui constitue la seconde partie du disque souligne, un peu cruellement, la différence d’envergure entre les deux œuvres. Le Quatuor Zaïde, dont nous avons salué le précédent album sous le même label, anime de toute sa flamme et son esprit subtil les réminiscences, selon le terme de Liszt, arrangeur autrement génial, du grand œuvre mozartien. L’auditeur est séduit, sourit, se plait à ces relectures prestes, mais cela reste au niveau du divertissement. Si l’ouverture et autres pages solennelles manquent de la force originelle, on aime retrouver sous les véloces et hardis archets féminins de Charlotte Maclet, Leslie Boulin Raulet, Sarah Chenaf, Juliette Salmona, l’alacrité de Papageno, le sourire lumineux de Tamina, la tendresse de Tamino, le mystère des Trois garçons, et l’étincelante furie de la Reine de la Nuit. L’épisode initial bénéficie d’un jeu bondissant qui joint à l’urgence dramatique une verve ironique qui triomphe dans les pizzicati accompagnant Monostatos et ses esclaves. Et le final sait retrouver l’exemplaire alliance entre la fantaisie et la grandeur propre au génial créateur. C’est sans doute à nos yeux dans le bouleversant air de Pamina Ach, ich fühl’s que l’esprit du quatuor mozartien trouve sa plénitude. Peut-on faire meilleur compliment aux interprètes que d’avouer que, loin d’être frustrante, l’absence de chant se trouve in fine compensée par le lyrisme et la poésie émanant de leur engagement?
Le Quatuor n°14 est le premier des six quatuors dédiés à Haydn que Mozart lui adresse avec ces mots touchants: «Je vous envoie mes six enfants à vous qui êtes à la fois un homme célèbre et un ami cher. Ils sont le fruit d’un long et pénible labeur». A la différence de l’œuvre précédente proposée par les Zaide, ce qui frappe d’emblée est la densité de l’écriture, sa richesse, la plénitude des sonorités mariées. Et dans l’interprétation de notre quatuor, outre l’osmose entre les instruments, une sorte de franchise, de naturel sans sophistication, de générosité qui rend sensibles à la fois les élans du compositeur et les mystérieuses suspensions qui éclosent par exemple au cœur du Minuetto. L’Andante cantabile s’avère chantant comme il se doit, mais aussi virtuose (premier violon) et tendre aussi, émouvant par ses silences, d’une noble grandeur, digne des plus élevés chefs d’œuvre de Mozart, et joué ici avec toute la profondeur attendue. Le triomphant Molto Allegro final se rit de l’art de la fugue découvert récemment chez Bach avec l’allégresse d’un amoureux sûr d’être aimé, et d’avoir vaincu les résistances qu’on lui imposait. Et le quatuor Zaïde traduit à merveille cette effervescente épiphanie de la forme conquise. C’est peut-être en cela que les deux œuvres au programme se répondent enfin: elles mettent en scène et en musique le chant d’Amadeus.
Jean Jordy
Publié le 12/05/2019 à 21:29, mis à jour le 09/09/2021 à 19:45.