Théâtre du Capitole
> 4 novembre

Polyeukt

de Zygmunt Krause
Photos Jaroslaw Budzinski et David Herrero
Création en France

Inspiré du Polyeucte martyr de Pierre Corneille, mais revu par Alicia Choinska et Jorge Lavelli, ce bref opéra nous donne une vision bien différente de son héros central. S’il trépigne presque tant il aspire au martyr dans la tragédie classique, celui de Krause a manifestement d’autres idées en tête. Habité de sa passion pour Néarque, il veut mourir avec lui pour se retrouver dans l’éternité en renonçant apparemment sans grand peine à la douce Pauline son épouse, qui n’a pas oublié son amour de jeunesse pour Sévère, ce qui met en place une série de couples plus ou moins probables. Tous gravitent autour du personnage de Félix, le père de Pauline qui lui a imposé son union avec Polyeukt faisant fi de son amour pour Sévère, alors personnage plus médiocre. Félix incarne la vanité sociale, mais aussi le conformisme qui lui dicte une fidélité absurde à la norme idéalisée qui finalement détruit tout. Les idoles sont détruites, les profanateurs condamnés et martyrisés, Pauline est veuve et entend le rester et Félix comme Sévère se retrouvent seuls face au désastre.
On change alors de registre et tous les protagonistes (solistes et chœur) chantent ensemble un hymne à la tolérance morale et religieuse. C’est mezzo voce, subitement très classique. D’abord un peu déconcertés par une vision si différente de ce qu’ils croyaient connaître, les spectateurs se sont laissés apprivoiser et saluent par des applaudissements nourris la prestation courte, 1 h. 20, de la Sinfonietta et de l’ensemble des solistes de l’opéra de chambre de Varsovie, placés sous la direction de Rubén Silva. Je soulignerai tout particulièrement la prestation très convaincante de Marta Wylomanska en Pauline et de Jan Jakub Monowid en Polyeukt, qui dominent une distribution qui n’en est pas moins de bonne qualité. La musique surprend parfois, mais n’est pas exempte de très beaux airs, ainsi le duo d’amour de Néarque et Polyeukt ou celui du même Polyeukt avec Pauline à l’acte IV.
On est un peu tenté de rapporter cette version à l’histoire polonaise: un peuple qui a tenté maintes fois de rompre ses chaînes, en est sorti meurtri et pas toujours tolérant et qui de manière quasiment incantatoire chasse ses vieux démons en appelant à la tolérance, à l’amour, au bonheur. On démarre dans la perspective du «N’ayez pas peur!» de Jean-Paul II pour terminer dans une ambiance très New Age. Finalement que ce soit la lecture de Corneille ou celle de Krause, on reste enfermé dans l’outrance, ce qui fait perdre une part de leur substance aux protagonistes d’un drame auquel on ne croit pas.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 10/11/2011 à 10:01, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.