Un week-end d’opéra à Prague
Un groupe d’adhérents d’UtMiSol s’est envolé pour la sublime ville de Prague le 13 avril avec le double objectif de découvrir ou redécouvrir un site exceptionnel et de voir dans le beau théâtre d’Etat de la capitale tchèque deux opéras, la Traviata le 14 et Turandot le 15 avant de repartir vers la ville rose le 16.
La Traviata : Le chef Frantisek Drs dirige l’orchestre avec la ferme intention de ne pas le réduire à la portion congrue, il fait sonner bois et cuivres avec détermination. Les puristes de la voix critiquent et hurlent à l’étouffement, les adeptes d’une version plus globale sont ravis, car les sons ont une ampleur exceptionnelle qui crée une succession d’atmosphères particulières qui contribuent à nouer le drame. Cela dit, le premier acte est quelque peu décevant, Alfredo (Martin Srejma) manque d’ampleur face à une Violetta (Marina Vyskvorkina) déjà très présente. L’acte II est en revanche convaincant; Matin Barta y est un Giorgio Germont tiraillé entre son amour de père et ce qu’il sait de Violetta et pourtant alors qu’enfin la jeune femme semblait connaître l’amour, il reste inflexible et son jeu d’acteur soutient remarquablement sa prestation vocale. Alfredo a pris du corps, il est désormais parfaitement crédible tant dans l’expression de sa passion que dans celle de sa folle jalousie qui le conduit à se rendre à la fête de Flora. Cette dernière est magistralement mise en scène par Arnaud Bernard, qui fut assistant de Nicolas Joël, dont l’influence est ici bien perceptible. Courtisanes et beaux (!) jeunes gens devisent, s’amusent en regardant quelques jolies filles légèrement vêtues qui virevoltent autour d’eux tandis que des gitans font l’animation. On ressent presque physiquement l’humiliation de Violetta, tant l’émotion est palpable. Le 3e acte est vraiment le couronnement du sacrifice. Violetta y est bouleversante et les Germont père et fils chantent leurs airs avec une force très contrôlée, qui en fait des héros très crédibles. Ce n’est sans doute globalement pas mieux qu’une «honnête» version. Peut-être sommes-nous trop critiques, gâtés que nous sommes par les CD et DVD…
Turandot : la sombre histoire de la méchante et cruelle princesse sans cœur qui, selon un décret impérial, n’épousera que le prétendant qui aura résolu trois énigmes et fera décapiter ceux qui auront échoué, c’est en fait l’histoire d’une femme terrorisée par elle-même, donc par les autres et qui s’est enfermée dans ce jeu sinistre. Face à elle, une esclave aux sentiments très purs, qui préfère mourir plutôt que trahir et un tiers essentiel, le prince Calaf, qui a certes pour lui le courage, mais pour le reste une personnalité très floue.
Dès le lever de rideau, c’est l’éblouissement: décors et costumes sont extraordinaires, avec une touche «Art Nouveau» qui sied bien à Prague et cela au service de voix de très grande qualité, le tout dans une mise en scène pleine d’astuce, non dépourvue d’humour, due à Vaclav Veznik. Pour des Français en période électorale, la vision des trois ministres, Ping, Pang, Pong, dans des fauteuils pour infirmes camouflés sous un habillage d’osier et qui se comportent comme des pantins est d’un comique réjouissant. Liu (Simona Procharzkova) incarne douceur, passion et héroïsme grâce à des inflexions vocales subtiles et un jeu d’actrice réservé et efficace à la fois.
Anda-Louise Bogza est une Turandot pleine de violence et de dureté et en même temps, on repère vite sa fragilité au travers de son entêtement. Elle maîtrise parfaitement une partition difficile, souvent acrobatique. Oleg Korotkov, le prince Calaf, est dans cette position pas si rare qui le conduit à aimer celle qui ne le veut pas et à dédaigner celle qui lui voue un amour passionné au point de mourir pour lui. Cela nous vaut quelques très beaux airs certes, mais un personnage comme nous l’avons déjà dit moins consistant. La responsabilité est à renvoyer au librettiste!! !
L’orchestre, dirigé par Richard Hein est parfait, la partition complexe de Puccini qui a introduit des sonorités sinisantes ou supposées telles est maîtrisée tout en finesse, voix et instruments s’associent à la perfection.
Un spectacle magnifique que le public qui remplit le théâtre d’Etat jusqu’à la dernière place ovationne, rappelant les chanteurs à de nombreuses reprises.
On reviendra!
Danielle Anex-Cabanis
La Traviata : Le chef Frantisek Drs dirige l’orchestre avec la ferme intention de ne pas le réduire à la portion congrue, il fait sonner bois et cuivres avec détermination. Les puristes de la voix critiquent et hurlent à l’étouffement, les adeptes d’une version plus globale sont ravis, car les sons ont une ampleur exceptionnelle qui crée une succession d’atmosphères particulières qui contribuent à nouer le drame. Cela dit, le premier acte est quelque peu décevant, Alfredo (Martin Srejma) manque d’ampleur face à une Violetta (Marina Vyskvorkina) déjà très présente. L’acte II est en revanche convaincant; Matin Barta y est un Giorgio Germont tiraillé entre son amour de père et ce qu’il sait de Violetta et pourtant alors qu’enfin la jeune femme semblait connaître l’amour, il reste inflexible et son jeu d’acteur soutient remarquablement sa prestation vocale. Alfredo a pris du corps, il est désormais parfaitement crédible tant dans l’expression de sa passion que dans celle de sa folle jalousie qui le conduit à se rendre à la fête de Flora. Cette dernière est magistralement mise en scène par Arnaud Bernard, qui fut assistant de Nicolas Joël, dont l’influence est ici bien perceptible. Courtisanes et beaux (!) jeunes gens devisent, s’amusent en regardant quelques jolies filles légèrement vêtues qui virevoltent autour d’eux tandis que des gitans font l’animation. On ressent presque physiquement l’humiliation de Violetta, tant l’émotion est palpable. Le 3e acte est vraiment le couronnement du sacrifice. Violetta y est bouleversante et les Germont père et fils chantent leurs airs avec une force très contrôlée, qui en fait des héros très crédibles. Ce n’est sans doute globalement pas mieux qu’une «honnête» version. Peut-être sommes-nous trop critiques, gâtés que nous sommes par les CD et DVD…
Turandot : la sombre histoire de la méchante et cruelle princesse sans cœur qui, selon un décret impérial, n’épousera que le prétendant qui aura résolu trois énigmes et fera décapiter ceux qui auront échoué, c’est en fait l’histoire d’une femme terrorisée par elle-même, donc par les autres et qui s’est enfermée dans ce jeu sinistre. Face à elle, une esclave aux sentiments très purs, qui préfère mourir plutôt que trahir et un tiers essentiel, le prince Calaf, qui a certes pour lui le courage, mais pour le reste une personnalité très floue.
Dès le lever de rideau, c’est l’éblouissement: décors et costumes sont extraordinaires, avec une touche «Art Nouveau» qui sied bien à Prague et cela au service de voix de très grande qualité, le tout dans une mise en scène pleine d’astuce, non dépourvue d’humour, due à Vaclav Veznik. Pour des Français en période électorale, la vision des trois ministres, Ping, Pang, Pong, dans des fauteuils pour infirmes camouflés sous un habillage d’osier et qui se comportent comme des pantins est d’un comique réjouissant. Liu (Simona Procharzkova) incarne douceur, passion et héroïsme grâce à des inflexions vocales subtiles et un jeu d’actrice réservé et efficace à la fois.
Anda-Louise Bogza est une Turandot pleine de violence et de dureté et en même temps, on repère vite sa fragilité au travers de son entêtement. Elle maîtrise parfaitement une partition difficile, souvent acrobatique. Oleg Korotkov, le prince Calaf, est dans cette position pas si rare qui le conduit à aimer celle qui ne le veut pas et à dédaigner celle qui lui voue un amour passionné au point de mourir pour lui. Cela nous vaut quelques très beaux airs certes, mais un personnage comme nous l’avons déjà dit moins consistant. La responsabilité est à renvoyer au librettiste!! !
L’orchestre, dirigé par Richard Hein est parfait, la partition complexe de Puccini qui a introduit des sonorités sinisantes ou supposées telles est maîtrisée tout en finesse, voix et instruments s’associent à la perfection.
Un spectacle magnifique que le public qui remplit le théâtre d’Etat jusqu’à la dernière place ovationne, rappelant les chanteurs à de nombreuses reprises.
On reviendra!
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 28/04/2012 à 09:20, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.