Quatuor Ellipsos

Saxophones au pluriel
United Colors, Quatuor Ellipsos, Nantes Philarmonie, dir. Frédéric Oster. Œuvres de Geiss, Gregory, Doss, Robin, Lynch. CD NoMadMusic 56’14

L’album United Colors emprunte son nom à une composition de Philippe Geiss pour quatuor de saxophones et orchestre. Elle constitue la plus longue pièce de cet enregistrement porté par le groupe des quatre Ellipsos qui fête ses quinze ans de carrière. Ce dynamique ensemble d’instrumentistes offre une musique tonique, chaleureuse, multiculturelle, pleine de pulsations, écrite par cinq musiciens contemporains. Deux œuvres de Philippe Geiss, né en 1961, grand défenseur du saxo, ouvrent et ferment cette déambulation dans l’univers sonore de ce bois (oui, le saxo, malgré son apparence cuivrée appartient à la famille des bois) inventé en 1846 par Adolphe Sax. La première Sir Patrick se fonde sur des airs du folklore écossais et le roulement de tambours, le rythme entrainant, les mélodies, la hardiesse même des sonorités, la virtuosité des parties solistes en font une pièce d’apparat propre à emporter l’adhésion de l’auditeur. La seconde, conclusive, se révèle d’une tout autre exigence et le disque apparait habilement construit pour conduire de l’une à l’autre par étapes. High Life de Will Grégory (chanteur, claviériste et compositeur né en 1959) séduit par son balancement élégant où brille finement le saxo soprano de Paul-Fathi Lacombe jusqu’à son amenuisement final. Les Spotlights de Thomas Doss (compositeur et chef d’orchestre né en 1966) contrastent avec l’intimité discrète du précédent: les instruments rivalisent d’inventivité sonore face à un orchestre ardent et lyrique, puissamment rythmé, funky pour utiliser un terme fortement connoté. Autre pays, autre rythme: le Brésil inspire le Pulse de Jean-Baptiste Robin (compositeur et organiste français né en 1976) qui s’ouvre mystérieusement sur des accords lancinants, vaguement inquiétants tels deux yeux perçant quelque obscure forêt que traverseraient fugacement des mouvements indistincts. C’est une œuvre prenante qui stimule l’imagination, produit des images, trouble. Tout autant que The Pale Dancer (2006) de Graham Lynch (compositeur anglais), tango savant, envoutant, dont les saxophones enroulent avec élégance les fines et fascinantes volutes avant un corps à corps intense plus âpre. Par son ampleur (près de vingt minutes), sa structuration en trois mouvements, la multiplicité de ses sources, United Colors pour saxophones et orchestre d’harmonie manifeste son ambition. Après un début éclatant, le mouvement s’apaise brusquement pour permettre à la flute, et aux saxophones de dialoguer en s’épanchant quasi tendrement, avant un embra(s)sement qui prend des allures de concerto nerveux, vif et virtuose, convoquant solo de jazz et musique de chambre. Et dans la suite des mouvements (Tranquillo mystérieux, orientalisantpuis Vivace espiègle et dansant) on sera sensible à la fusion des rythmes, des couleurs, des formes que brasse une musique multiculturelle, nourrie de sèves multiples justifiant pleinement le titre de ce creuset ardent.
Climats variés, couleurs bigarrées, sonorités chaudes, nuancées, souffles exotiques, œuvres de tous horizons composent ce voyage sans frontières à travers les sons et les cultures. Les membres virtuoses du Quatuor Ellipsos qui ont déjà signé quatre albums dont Medina et Peer Gynt, et le Nantes Philarmonie sous la direction enflammée de Frédéric Ostier en rythment les étapes avec une fougue jubilatoire et une maestria qui transportent.

Jean Jordy


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Publié le 20/04/2018 à 10:37, mis à jour le 04/05/2020 à 16:24.