PMC, Strasbourg
> 15 avril
Les Troyens
Photographie par Pari Dukovic
Rarement montés, les Troyens sont présentés ici en version de concert. Si réserve, il peut y avoir face à ce choix, elle est vite oubliée devant la distribution de rêve proposée, destinée d’ailleurs à être enregistrée en live, disponible dans environ un an chez Warner.
John Nelson propose une direction qui combine précision et rigueur avec un sens dramatique exceptionnel qui sous-tend une compréhension remarquable de l’œuvre de Berlioz dont il restitue admirablement la richesse et l’inventivité. Le compositeur, familier de l’Enéide et de l’Iliade, ce que l’on souligne moins, a rédigé un livret qui illustre sa créativité poétique. C’est un long poème au vocabulaire subtil et raffiné dans la ligne de l’opéra français classique sans céder au modèle ou plutôt aux modèles romantiques de Verdi ou Wagner. Utilisant toute la palette sonore d’un grand orchestre et d’un grand chœur, (Chœur de l’Opéra national du Rhin,
Le Badischer Staatsopernchor et le Chœur philharmonique de Strasbourg, accompagnant l’orchestre de Strasbourg), Berlioz crée un univers musical superbe, combinant la douceur, la douleur aux vagues puissantes de l’expression collective. La direction de Nelson intègre bien cette subtilité et les instrumentistes sont successivement mis en valeur, déplacés pour des effets d’écho très réussis.
Les solistes sont exceptionnels, dominés par Marie-Nicole Lemieux, une Cassandre remarquable, dont la voix exprime avec force l’angoisse, l’amour pour son promis et la détermination à ne pas tomber vivante dans les mains des Grecs dont elle pressent la furie, entraînant dans la mort ses compagnes, et Joyce di Donato, une Didon littéralement bouleversante. Reine aimée et généreuse, elle dit sa vocation à l’accueil et reçoit Enée qu’elle aime passionnément au point de préférer mourir lorsqu’il la quitte pour obéir aux dieux qui l’ont rappelé à l’ordre. L’expression de ses sentiments forts est sublime: une palette vocale remarquable qui suffit quasiment à la mettre en scène, qu’elle chante la passion amoureuse ou la malédiction. Le spectateur la voit douce et passionnée dans les bras d’Enée, folle de douleur le maudissant avant de s’immoler sur le bûcher. Stéphane Degout, incarne subtilement Chorèbe, le fiancé de Cassandre, qui refuse de se sauver pour mourir avec elle. Il a une présence remarquable et ses duos avec Cassandre sont parfaits. Michael Spyres, ténor, est Énée. Affronter Joyce di Donato est un rude challenge auquel il fait face avec talent. Il est superbe dans le duo du 4e acte avec Didon, tout comme dans les airs qui illustrent sa décision de partir envers et contre ses sentiments. Marianne Crebassa, la jeune mezzo récemment couronnée par les victoires de la Musique, est un Ascagne très convaincant. Sa voix chaude et expressive exprime à merveille l’ambiguïté de la situation de ce jeune prince. Stanislas de Barbeyrac, récemment un magnifique Tamino à Bastille, est d’abord Hélénus, fils de Priam, à l’acte I, puis Hylas, un jeune marin phrygien, à l’acte V. Il est remarquable dans le très beau poème d’Hylas. Les inflexions subtiles de sa voix restituent la finesse du texte qu’il chante. Il est décidemment une des voix qui comptent. La mezzo Hanna Hipp donne à Anna, la soeur de Didon, sa voix chaude et avec beaucoup de finesse exprime une grande diversité de sentiments. Il faut encore mentionner Cyrille Dubois qui prête sa voix de ténor à Iopas, poète à la cour de Didon). Il a de bons moments, peut-être manque-t-il un peu de maturité et de puissance. La basse Nicolas Courjal est un excellent Narbal, ce ministre de Didon, qui exprime avec grandeur la position des politiques. Les petits rôles sont bien distribués.
Tout cela crée une soirée exceptionnelle. La charge émotionnelle est souvent palpable, d’ailleurs, s’ils applaudissent à tout rompre avant de se lever en hommage aux chanteurs, aux musiciens et au compositeur dont le chef élève en hommage la partition, les spectateurs restent longtemps silencieux, ayant besoin de quelques instants pour revenir à la réalité.
Danielle Anex-Cabanis
John Nelson propose une direction qui combine précision et rigueur avec un sens dramatique exceptionnel qui sous-tend une compréhension remarquable de l’œuvre de Berlioz dont il restitue admirablement la richesse et l’inventivité. Le compositeur, familier de l’Enéide et de l’Iliade, ce que l’on souligne moins, a rédigé un livret qui illustre sa créativité poétique. C’est un long poème au vocabulaire subtil et raffiné dans la ligne de l’opéra français classique sans céder au modèle ou plutôt aux modèles romantiques de Verdi ou Wagner. Utilisant toute la palette sonore d’un grand orchestre et d’un grand chœur, (Chœur de l’Opéra national du Rhin,
Le Badischer Staatsopernchor et le Chœur philharmonique de Strasbourg, accompagnant l’orchestre de Strasbourg), Berlioz crée un univers musical superbe, combinant la douceur, la douleur aux vagues puissantes de l’expression collective. La direction de Nelson intègre bien cette subtilité et les instrumentistes sont successivement mis en valeur, déplacés pour des effets d’écho très réussis.
Les solistes sont exceptionnels, dominés par Marie-Nicole Lemieux, une Cassandre remarquable, dont la voix exprime avec force l’angoisse, l’amour pour son promis et la détermination à ne pas tomber vivante dans les mains des Grecs dont elle pressent la furie, entraînant dans la mort ses compagnes, et Joyce di Donato, une Didon littéralement bouleversante. Reine aimée et généreuse, elle dit sa vocation à l’accueil et reçoit Enée qu’elle aime passionnément au point de préférer mourir lorsqu’il la quitte pour obéir aux dieux qui l’ont rappelé à l’ordre. L’expression de ses sentiments forts est sublime: une palette vocale remarquable qui suffit quasiment à la mettre en scène, qu’elle chante la passion amoureuse ou la malédiction. Le spectateur la voit douce et passionnée dans les bras d’Enée, folle de douleur le maudissant avant de s’immoler sur le bûcher. Stéphane Degout, incarne subtilement Chorèbe, le fiancé de Cassandre, qui refuse de se sauver pour mourir avec elle. Il a une présence remarquable et ses duos avec Cassandre sont parfaits. Michael Spyres, ténor, est Énée. Affronter Joyce di Donato est un rude challenge auquel il fait face avec talent. Il est superbe dans le duo du 4e acte avec Didon, tout comme dans les airs qui illustrent sa décision de partir envers et contre ses sentiments. Marianne Crebassa, la jeune mezzo récemment couronnée par les victoires de la Musique, est un Ascagne très convaincant. Sa voix chaude et expressive exprime à merveille l’ambiguïté de la situation de ce jeune prince. Stanislas de Barbeyrac, récemment un magnifique Tamino à Bastille, est d’abord Hélénus, fils de Priam, à l’acte I, puis Hylas, un jeune marin phrygien, à l’acte V. Il est remarquable dans le très beau poème d’Hylas. Les inflexions subtiles de sa voix restituent la finesse du texte qu’il chante. Il est décidemment une des voix qui comptent. La mezzo Hanna Hipp donne à Anna, la soeur de Didon, sa voix chaude et avec beaucoup de finesse exprime une grande diversité de sentiments. Il faut encore mentionner Cyrille Dubois qui prête sa voix de ténor à Iopas, poète à la cour de Didon). Il a de bons moments, peut-être manque-t-il un peu de maturité et de puissance. La basse Nicolas Courjal est un excellent Narbal, ce ministre de Didon, qui exprime avec grandeur la position des politiques. Les petits rôles sont bien distribués.
Tout cela crée une soirée exceptionnelle. La charge émotionnelle est souvent palpable, d’ailleurs, s’ils applaudissent à tout rompre avant de se lever en hommage aux chanteurs, aux musiciens et au compositeur dont le chef élève en hommage la partition, les spectateurs restent longtemps silencieux, ayant besoin de quelques instants pour revenir à la réalité.
Danielle Anex-Cabanis
Publié le 25/04/2017 à 22:11, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.