Mélodies et Lieder
Fauré – Schubert
Ariane Wohlhuter, soprano, Philippe Mouratoglou, guitare. Mélodies de Fauré, Lieder de Schubert. CD Troba Vox. 46’23
Nous avons eu la chance d’écouter in vivo la soprano Ariane Wohlhuter et le guitariste Philippe Mouratoglou dans un concert donné en Roussillon dans la cathédrale d’Elne avec leurs complices du groupe Aire y Fuego. Cette voix pure, mélodieuse, et la virtuosité sensible de l’instrumentiste nous avaient séduits. Nous les retrouvons dans un enregistrement où dialoguent Fauré et Schubert. Les deux compositeurs, direz-vous, n’ont pas écrit pour la guitare (si on veut bien excepter la sonate dite Arpeggione du musicien autrichien)! Il s’agit bien ici de transcriptions et la notice d’introduction se donne bien du mal pour excuser l’audace de l’exercice, l’inscrivant dans une longue tradition. Point n’est besoin de ces insistantes explications quand le simple plaisir de l’écoute est là.
Ce disque dont on regrettera la brièveté et l’unité de ton coule de source. La joie de faire de la musique ensemble se suffit à elle-même, comme entre amis, dans un récital serein. Mais à un vrai degré de qualité technique. Pas de concept compliqué, de musicologie savante. L’épiphanie d’un chant, vocal et instrumental.
Le choix de la guitare convainc dans les mélodies liquides de Fauré dont elle souligne la limpide transparence et la fraiche fluidité. Ainsi de Au bord de l’eau qui ouvre le florilège. Ou de l’exquise «Mandoline» qui «jase /Parmi les frissons de la bise». Les poèmes choisis ont en effet cette délicatesse un peu fade, que l’on aime chez Verlaine, certains Hugo, voire Sully Prudhomme dont les vers des Berceaux concluent le voyage fauréen. Le chant d’Ariane Wohlhuter, clair, aérien, s’avère idéal pour ces mélodies apaisées. On peut toutefois regretter un manque de chair et de mordant, qui fait plus cruellement défaut dans certains lieder de Schubert, par exemple le dramatique Aufenthalt (Séjour) où la guitare trop aimable ne parvient pas à transmettre la même émotion que le martellement fébrile du piano. Marguerite au rouet fait valoir la dextérité de Philippe Mouratoglou, alors que le lied fameux semble un peu excéder les moyens expressifs de la soprano, dont on retrouve la plénitude et le climat de prédilection dans la non moins célèbre Sérénade ou Les litanies pour la fête de toutes les âmes. Représentatif de l’enregistrement, le Du bist die Ruh et son accompagnement de luth emportent l’adhésion de l’auditeur qui glisse vers «le calme /La douce paix» du poème de Rückert.
Au final, un disque un peu lisse dont la simplicité et la clarté suscitent une émotion discrète, au diapason de ce distique verlainien: «Que ton vers soit la chose envolée / Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée»
Jean Jordy
Nous avons eu la chance d’écouter in vivo la soprano Ariane Wohlhuter et le guitariste Philippe Mouratoglou dans un concert donné en Roussillon dans la cathédrale d’Elne avec leurs complices du groupe Aire y Fuego. Cette voix pure, mélodieuse, et la virtuosité sensible de l’instrumentiste nous avaient séduits. Nous les retrouvons dans un enregistrement où dialoguent Fauré et Schubert. Les deux compositeurs, direz-vous, n’ont pas écrit pour la guitare (si on veut bien excepter la sonate dite Arpeggione du musicien autrichien)! Il s’agit bien ici de transcriptions et la notice d’introduction se donne bien du mal pour excuser l’audace de l’exercice, l’inscrivant dans une longue tradition. Point n’est besoin de ces insistantes explications quand le simple plaisir de l’écoute est là.
Ce disque dont on regrettera la brièveté et l’unité de ton coule de source. La joie de faire de la musique ensemble se suffit à elle-même, comme entre amis, dans un récital serein. Mais à un vrai degré de qualité technique. Pas de concept compliqué, de musicologie savante. L’épiphanie d’un chant, vocal et instrumental.
Le choix de la guitare convainc dans les mélodies liquides de Fauré dont elle souligne la limpide transparence et la fraiche fluidité. Ainsi de Au bord de l’eau qui ouvre le florilège. Ou de l’exquise «Mandoline» qui «jase /Parmi les frissons de la bise». Les poèmes choisis ont en effet cette délicatesse un peu fade, que l’on aime chez Verlaine, certains Hugo, voire Sully Prudhomme dont les vers des Berceaux concluent le voyage fauréen. Le chant d’Ariane Wohlhuter, clair, aérien, s’avère idéal pour ces mélodies apaisées. On peut toutefois regretter un manque de chair et de mordant, qui fait plus cruellement défaut dans certains lieder de Schubert, par exemple le dramatique Aufenthalt (Séjour) où la guitare trop aimable ne parvient pas à transmettre la même émotion que le martellement fébrile du piano. Marguerite au rouet fait valoir la dextérité de Philippe Mouratoglou, alors que le lied fameux semble un peu excéder les moyens expressifs de la soprano, dont on retrouve la plénitude et le climat de prédilection dans la non moins célèbre Sérénade ou Les litanies pour la fête de toutes les âmes. Représentatif de l’enregistrement, le Du bist die Ruh et son accompagnement de luth emportent l’adhésion de l’auditeur qui glisse vers «le calme /La douce paix» du poème de Rückert.
Au final, un disque un peu lisse dont la simplicité et la clarté suscitent une émotion discrète, au diapason de ce distique verlainien: «Que ton vers soit la chose envolée / Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée»
Jean Jordy
Publié le 29/03/2017 à 22:53, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.