Beethoven, ou l’harmonie du dialogue
Sonates pour piano et violon 5, 3 et 10
Célimène Daudet, piano, Amanda Favier, violon. Beethoven, Sonates pour piano et violon op. 24, op. 12, op. 96. NoMadMusic 70’45’’
Les titres attribués à des œuvres musicales s’avèrent parfois pertinents. Ainsi en est-il de la sonate pour piano et violon de Beethoven op. 24 n°5 dite Le Printemps. Toutes les images positives liées à la saison, floraison, fraicheur, jeunesse, vigueur, renaissance, lumière, se retrouvent dans cette composition… et dans l’enregistrement qu’en proposent Célimène Daudet et Amanda Favier à l’orée d’un CD précieux, promesse d’une intégrale.
Écrites entre 1797 pour la troisième et 1812 pour la dixième et ultime, les sonates réunies couvrent une large période de la vie du compositeur. La première des trois, l’opus 24, est sans doute celle dans laquelle Beethoven trouve d’emblée le plus parfait équilibre entre les deux instruments. La tonalité en fa majeur, comme pour la Sixième Symphonie (baptisée Pastorale), suggère le climat bucolique qui lui a valu son surnom. Dans ce tendre duo, le cœur bat et s’agite au piano, le violon frémit et frissonne d’émotion contenue. Et quel joli babil dans l’espiègle scherzo, précédant un Rondo dont séduit la fluidité toute mozartienne.
De la sonate op. 12 n°3 nos jeunes virtuoses traduisent avec grâce l’entrain et la délicatesse. Tout y respire calmement, sans précipitation, amplement et osons le mot humainement. Rien qui soit bridé ou débridé: la juste mesure, le rythme pesé, et non empesé, pour, par exemple, le bel Adagio con molto espressione du mouvement central.
Contemporaine de la Septième Symphonie, l’opus 96 clôt le cycle des dix sonates pour piano et violon de Beethoven. Le trille initial, furtif et fureteur, lance la palpitation vibrante qui rythme l’œuvre, interprétée avec un naturel et une sobriété qui semblent fuir la virtuosité et dont la recherche relève d’une profonde complicité artistique et humaine. Dans l’Adagio expressivo, le climat de méditation est bien celui du recueillement spirituel, de la quête de l’Harmonie plus qu’il n’exprime une angoisse ou un repliement. Et le Poco allegro conclusif joue ici de ses variations avec un humour réjouissant.
«Ô vous, hommes qui pensez que je suis un être haineux, obstiné, misanthrope, ou qui me faites passer pour tel, comme vous êtes injustes!», s’écriait Beethoven dans le fameux Testament de Heiligenstadt, le 6 octobre 1802. Loin de l’image avérée par ailleurs d’un Beethoven tourmenté, abrupt, prompt à «remuer les mondes de mélancolie et de désespoir incurable» (Baudelaire, L’Art romantique), les sonates choisies par nos deux interprètes présentent un musicien tendre et lumineux, dont elles savent exalter la bonne humeur ou la gravité sereine, et toujours la profonde humanité.
Jean Jordy
Les titres attribués à des œuvres musicales s’avèrent parfois pertinents. Ainsi en est-il de la sonate pour piano et violon de Beethoven op. 24 n°5 dite Le Printemps. Toutes les images positives liées à la saison, floraison, fraicheur, jeunesse, vigueur, renaissance, lumière, se retrouvent dans cette composition… et dans l’enregistrement qu’en proposent Célimène Daudet et Amanda Favier à l’orée d’un CD précieux, promesse d’une intégrale.
Écrites entre 1797 pour la troisième et 1812 pour la dixième et ultime, les sonates réunies couvrent une large période de la vie du compositeur. La première des trois, l’opus 24, est sans doute celle dans laquelle Beethoven trouve d’emblée le plus parfait équilibre entre les deux instruments. La tonalité en fa majeur, comme pour la Sixième Symphonie (baptisée Pastorale), suggère le climat bucolique qui lui a valu son surnom. Dans ce tendre duo, le cœur bat et s’agite au piano, le violon frémit et frissonne d’émotion contenue. Et quel joli babil dans l’espiègle scherzo, précédant un Rondo dont séduit la fluidité toute mozartienne.
De la sonate op. 12 n°3 nos jeunes virtuoses traduisent avec grâce l’entrain et la délicatesse. Tout y respire calmement, sans précipitation, amplement et osons le mot humainement. Rien qui soit bridé ou débridé: la juste mesure, le rythme pesé, et non empesé, pour, par exemple, le bel Adagio con molto espressione du mouvement central.
Contemporaine de la Septième Symphonie, l’opus 96 clôt le cycle des dix sonates pour piano et violon de Beethoven. Le trille initial, furtif et fureteur, lance la palpitation vibrante qui rythme l’œuvre, interprétée avec un naturel et une sobriété qui semblent fuir la virtuosité et dont la recherche relève d’une profonde complicité artistique et humaine. Dans l’Adagio expressivo, le climat de méditation est bien celui du recueillement spirituel, de la quête de l’Harmonie plus qu’il n’exprime une angoisse ou un repliement. Et le Poco allegro conclusif joue ici de ses variations avec un humour réjouissant.
«Ô vous, hommes qui pensez que je suis un être haineux, obstiné, misanthrope, ou qui me faites passer pour tel, comme vous êtes injustes!», s’écriait Beethoven dans le fameux Testament de Heiligenstadt, le 6 octobre 1802. Loin de l’image avérée par ailleurs d’un Beethoven tourmenté, abrupt, prompt à «remuer les mondes de mélancolie et de désespoir incurable» (Baudelaire, L’Art romantique), les sonates choisies par nos deux interprètes présentent un musicien tendre et lumineux, dont elles savent exalter la bonne humeur ou la gravité sereine, et toujours la profonde humanité.
Jean Jordy
Publié le 14/07/2016 à 22:11, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.