Mozart, ou l’intelligence du dialogue
Six sonates pour violon et pianoforte
Kurfürstin Sonaten KV 301 à 306, David Grimal, violon, Violon Stradivarius 1710 "ex Roederer", Mathieu Dupouy, Piano Gräbner 1791. CD Label Hérisson 2015, 77’56.
Les six sonates de Mozart dites palatines (1777-1778) pour violon et pianoforte voient s’affirmer un genre musical. Des premiers essais du très jeune compositeur (KV 10 à 15) où le violon sert d’accompagnement ponctuel au clavier, aux derniers opus de la maturité (KV 481), l’instrument qui n’était qu’un partenaire d’ornement prend son essor, s’émancipe, affirme sa présence, et in fine revendique la parité. En raccourci, le genre naissant, influencé par les duos pour pianoforte et violon de Joseph Schuster, quitte la musique de salon pour naitre à la musique de chambre. Le présent enregistrement témoigne hautement de ce tournant décisif.
David Grimal, splendide violoniste, a créé un ensemble original, qui emprunte son nom à un quatuor de Mozart, Les Dissonances, orchestre sans chef à géométrie très variable. Ces lignes expriment la démarche de l’artiste: «La recherche des sources, partitions, instruments, contexte historique, esthétique, politique et de tout autre indice est passionnante. Malgré tout, cela reste pour moi insuffisant et incomplet. [… ] Comment faire résonner ou plutôt «re-sonner» cette musique déjà lointaine en nous?». Le paradoxe (mais en est-ce bien un?) est que cette volonté d’une réactivation de la musique passe ici par le recours à des instruments anciens, en l’occurrence un Stradivarius de 1710 et un pianoforte de 1791 des frères Gräbner. Si notre préférence liée à notre confort routinier d’écoute va à des interprétations avec piano moderne, reconnaissons que le duo offre de ces sonates une perception drôlement vive, claire et convaincante. Allegro con spirito annoncent plusieurs mouvements: l’indication pourrait résumer le climat de ce CD. Chaque plage semble proposer autant de scènes, théâtralement animées. Qu’on écoute le KV 301 pour sentir comment le pianoforte de Mathieu Dupouy donne son impulsion dynamique alors que le violon de David Grimal semble danser autour avec grâce et humour. La volubilité du clavier dans le début du KV 302 ne trouve son apaisement que dans l’Adante grazioso, exquis repos que semble enfin obtenir un violon en mal de tendresse. Et que de changements d’humeurs, de climats sonores: ainsi du KV 204, la seule à offrir une tonalité en mineur, qui, tel un nuage passant devant le soleil, ombre d’une forme de mélancolie les deux mouvements pourtant notés Allegro et Tempo di menuetto. Mais Mozart comme notre duo jamais ne s’appesantit et la légèreté s’imposera bien vite.
Saluons la complicité inhérente à ce genre entre les deux partenaires. Il faudrait parler d’intelligence, tant l’entente des musiciens rend justice à l’organisation et à l’articulation des pièces. Mais cet esprit n’a rien de froidement intellectuel. Il allie grâce et fraicheur, bondissement et épanchement, enjouement et rigueur. Le chant règne en maître dans ces œuvres où explosent le génie et l’inventivité mélodiques de Mozart.
Un regret pour finir. L’indiscret 13 jaune (numéro d’opus du label) qui entache une partie de la jaquette rappelle fâcheusement les maillots de sportifs plus qu’il ne promet un enregistrement de Mozart!
Jean Jordy
Les six sonates de Mozart dites palatines (1777-1778) pour violon et pianoforte voient s’affirmer un genre musical. Des premiers essais du très jeune compositeur (KV 10 à 15) où le violon sert d’accompagnement ponctuel au clavier, aux derniers opus de la maturité (KV 481), l’instrument qui n’était qu’un partenaire d’ornement prend son essor, s’émancipe, affirme sa présence, et in fine revendique la parité. En raccourci, le genre naissant, influencé par les duos pour pianoforte et violon de Joseph Schuster, quitte la musique de salon pour naitre à la musique de chambre. Le présent enregistrement témoigne hautement de ce tournant décisif.
David Grimal, splendide violoniste, a créé un ensemble original, qui emprunte son nom à un quatuor de Mozart, Les Dissonances, orchestre sans chef à géométrie très variable. Ces lignes expriment la démarche de l’artiste: «La recherche des sources, partitions, instruments, contexte historique, esthétique, politique et de tout autre indice est passionnante. Malgré tout, cela reste pour moi insuffisant et incomplet. [… ] Comment faire résonner ou plutôt «re-sonner» cette musique déjà lointaine en nous?». Le paradoxe (mais en est-ce bien un?) est que cette volonté d’une réactivation de la musique passe ici par le recours à des instruments anciens, en l’occurrence un Stradivarius de 1710 et un pianoforte de 1791 des frères Gräbner. Si notre préférence liée à notre confort routinier d’écoute va à des interprétations avec piano moderne, reconnaissons que le duo offre de ces sonates une perception drôlement vive, claire et convaincante. Allegro con spirito annoncent plusieurs mouvements: l’indication pourrait résumer le climat de ce CD. Chaque plage semble proposer autant de scènes, théâtralement animées. Qu’on écoute le KV 301 pour sentir comment le pianoforte de Mathieu Dupouy donne son impulsion dynamique alors que le violon de David Grimal semble danser autour avec grâce et humour. La volubilité du clavier dans le début du KV 302 ne trouve son apaisement que dans l’Adante grazioso, exquis repos que semble enfin obtenir un violon en mal de tendresse. Et que de changements d’humeurs, de climats sonores: ainsi du KV 204, la seule à offrir une tonalité en mineur, qui, tel un nuage passant devant le soleil, ombre d’une forme de mélancolie les deux mouvements pourtant notés Allegro et Tempo di menuetto. Mais Mozart comme notre duo jamais ne s’appesantit et la légèreté s’imposera bien vite.
Saluons la complicité inhérente à ce genre entre les deux partenaires. Il faudrait parler d’intelligence, tant l’entente des musiciens rend justice à l’organisation et à l’articulation des pièces. Mais cet esprit n’a rien de froidement intellectuel. Il allie grâce et fraicheur, bondissement et épanchement, enjouement et rigueur. Le chant règne en maître dans ces œuvres où explosent le génie et l’inventivité mélodiques de Mozart.
Un regret pour finir. L’indiscret 13 jaune (numéro d’opus du label) qui entache une partie de la jaquette rappelle fâcheusement les maillots de sportifs plus qu’il ne promet un enregistrement de Mozart!
Jean Jordy
Publié le 20/06/2016 à 22:56, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.