À nos morts ignorés
Les musiciens de la grande guerre XV
Les musiciens de la grande guerre XV; «À nos morts ignorés»; Œuvres vocales ou instrumentales; Marc Mauillon, baryton; Anne le Bozec, piano; Éditions Hortus.
Saluons une fois encore le travail remarquable des éditions Hortus dans le cadre de cette collection «les musiciens de la grande guerre», à l’occasion de la sortie de ce volume XV intitulé «À nos morts ignorés», titre de la très belle mélodie de Reynaldo Hahn, composée sur le front en 1915 sur un poème de Louis Henneve. Cet opus est intéressant à plus d’un titre.
D’une part les mélodies ici proposées sont de compositeurs de différentes nationalités: mélodies, songs et lieder sont au programme!
D’autre part la richesse et la variété littéraire et musicale des mélodies retenues pour cet enregistrement montrent combien cette grande guerre n’a pas interrompu la composition mélodique, celle qui naturellement parle de la guerre mais aussi, et plus étonnamment, celle qui semble totalement détachée de cet enfer de feu sous les orages d’acier. Qui pourrait penser en écoutant les quatre lieder de Rudi Stephan (1887-1915), dont tant les thèmes des textes choisis que l’écriture musicale ne sont pas sans rappeler ceux de l’un des maîtres du genre, Schumann (1810-1856), qu’ils ont été composés à la fin de l’année 1914 par ce compositeur engagé très tôt dans la première guerre mondiale et mort au front en 1915? Ce même étonnement en écoutant All night under the moon, composé en 1918 par Yvor Gurney qui avait rejoint le front en 1915, cette mélodie qui nous parle d’amoureux rêveurs volant dans la nuit.
D’autres œuvres nous renvoient en revanche à la grande guerre, ainsi André Caplet (1878-1925) dans deux très belles mélodies, La croix douloureuse, composée en 1917 et Détresse, mélodie dédiée aux soldats blessés, écrite en 1918 ou encore cette jolie berceuse (Soir d’hiver) de Nadia Boulanger (1887-1979) qui chante à l’enfant l’espoir de la victoire et du retour du père engagé sur le front.
Enfin ce voyage mélodique montre, outre une production ininterrompue, le changement profond qui s’opère et qui fait basculer le monde, et avec lui, la mélodie, dans un nouveau siècle. Des lieder de Rudi Stephan à la chanson Roses of Picardy composée en 1916 par Haydn Wood (1882-1959), mélodie qui a connu, dès 1918, un immense succès populaire en France sur un texte adapté par Pierre d’Amor (1863-1931), interprétée depuis par des centaines d’artistes dans le monde entier, traversant ainsi le temps et les modes.
C’est avec un immense talent que notre baryton, Marc Mauillon, interprète l’ensemble de ces œuvres. Sa diction est parfaite et la prosodie s’adapte merveilleusement aux expressions si différentes qu’exige ce répertoire tellement varié. Sans jamais trop en faire, et c’est pour certaines mélodies ici proposées plus indispensable que jamais, Marc Mauillon nous livre une interprétation d’une émouvante sobriété. On regrettera parfois une voix un peu droite, blanche, manquant un peu de vibrato, sans doute la marque d’un interprète dont on sait l’attachement au répertoire baroque mais, quoi qu’il en soit, la voix reste d’une grande beauté.
L’accompagnement au piano d’Anne le Bozec est parfait, précis, et tellement en phase avec notre baryton qu’il en résulte une bien belle unité. Travail des textes, superbe musicalité sont eu rendez-vous. Vous apprécierez en outre la qualité du livret qui accompagne cet enregistrement, particulièrement le texte de Jean-Christophe Branger qui sait, en quelques lignes, vous livrer les clés de ce programme rare.
Christophe Bernard
Saluons une fois encore le travail remarquable des éditions Hortus dans le cadre de cette collection «les musiciens de la grande guerre», à l’occasion de la sortie de ce volume XV intitulé «À nos morts ignorés», titre de la très belle mélodie de Reynaldo Hahn, composée sur le front en 1915 sur un poème de Louis Henneve. Cet opus est intéressant à plus d’un titre.
D’une part les mélodies ici proposées sont de compositeurs de différentes nationalités: mélodies, songs et lieder sont au programme!
D’autre part la richesse et la variété littéraire et musicale des mélodies retenues pour cet enregistrement montrent combien cette grande guerre n’a pas interrompu la composition mélodique, celle qui naturellement parle de la guerre mais aussi, et plus étonnamment, celle qui semble totalement détachée de cet enfer de feu sous les orages d’acier. Qui pourrait penser en écoutant les quatre lieder de Rudi Stephan (1887-1915), dont tant les thèmes des textes choisis que l’écriture musicale ne sont pas sans rappeler ceux de l’un des maîtres du genre, Schumann (1810-1856), qu’ils ont été composés à la fin de l’année 1914 par ce compositeur engagé très tôt dans la première guerre mondiale et mort au front en 1915? Ce même étonnement en écoutant All night under the moon, composé en 1918 par Yvor Gurney qui avait rejoint le front en 1915, cette mélodie qui nous parle d’amoureux rêveurs volant dans la nuit.
D’autres œuvres nous renvoient en revanche à la grande guerre, ainsi André Caplet (1878-1925) dans deux très belles mélodies, La croix douloureuse, composée en 1917 et Détresse, mélodie dédiée aux soldats blessés, écrite en 1918 ou encore cette jolie berceuse (Soir d’hiver) de Nadia Boulanger (1887-1979) qui chante à l’enfant l’espoir de la victoire et du retour du père engagé sur le front.
Enfin ce voyage mélodique montre, outre une production ininterrompue, le changement profond qui s’opère et qui fait basculer le monde, et avec lui, la mélodie, dans un nouveau siècle. Des lieder de Rudi Stephan à la chanson Roses of Picardy composée en 1916 par Haydn Wood (1882-1959), mélodie qui a connu, dès 1918, un immense succès populaire en France sur un texte adapté par Pierre d’Amor (1863-1931), interprétée depuis par des centaines d’artistes dans le monde entier, traversant ainsi le temps et les modes.
C’est avec un immense talent que notre baryton, Marc Mauillon, interprète l’ensemble de ces œuvres. Sa diction est parfaite et la prosodie s’adapte merveilleusement aux expressions si différentes qu’exige ce répertoire tellement varié. Sans jamais trop en faire, et c’est pour certaines mélodies ici proposées plus indispensable que jamais, Marc Mauillon nous livre une interprétation d’une émouvante sobriété. On regrettera parfois une voix un peu droite, blanche, manquant un peu de vibrato, sans doute la marque d’un interprète dont on sait l’attachement au répertoire baroque mais, quoi qu’il en soit, la voix reste d’une grande beauté.
L’accompagnement au piano d’Anne le Bozec est parfait, précis, et tellement en phase avec notre baryton qu’il en résulte une bien belle unité. Travail des textes, superbe musicalité sont eu rendez-vous. Vous apprécierez en outre la qualité du livret qui accompagne cet enregistrement, particulièrement le texte de Jean-Christophe Branger qui sait, en quelques lignes, vous livrer les clés de ce programme rare.
Christophe Bernard
Publié le 15/02/2016 à 18:38, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.