Théâtre du Capitole
> 19 avril

Obéron

Carl Maria von Weber
Photos Patrice Nin
Nouvelle production du Théâtre du Capitole, cette version d’Obéron repose sur des choix scéniques forts, donc pouvant prêter à discussion. S’il est intéressant d’user des innombrables possibilités de l’image projetée pour créer le décor, et c’est très réussi pour la tempête, au point qu’on aurait pu renoncer à la vague de plastique gonflé, la pièce de Shakespeare et le beau poème de Wieland méritent mieux que des images de ruines de Bagdad ou les bateaux de réfugiés. On ne rêve certes pas d’elfes ailés comme dans les publicités de Lolita Lempicka, mais c’est une féérie à double lecture: d’une part il faut bien toute l’astuce du roi des elfes pour que cette aventure improbable marche et d’autre part l’histoire est un beau test de personnalité dont les mouvements permanents de l’écran nous distraient trop et par des images qui, à mon sens, reflètent une posture qui n’ajoute rien.
Musicalement, l’orchestre et le choeur sont chatoyants à souhait et créent à merveille cette atmosphère propre à Weber, qui a les pieds dans le XVIIIè siècle et la tête dans le romantisme qui annonce Wagner: en termes d’intrigue et d’effets, on pense naturellement à La Flûte ou à L’enlèvement au sérail, mais aussi à Idoménée, la parenté musicale dans les scène de tempête est impressionnante, alors que le grand Air de Rezia pourrait être tiré d’une œuvre de jeunesse de Wagner, comme se plaisent à le souligner maints musicologues. Cette palette large est une richesse et en même temps un risque, car trouver l’homogénéité est délicat. Le Huon de Klaus Florian Vogt (déjà fort applaudi dans Euryanthe où il avait campé de manière magnifique le personnage d’Adolar) est très convaincant, tout comme le couple bis de Scherasmin et Fatime, fort joliment chantés par Arttu Kataja et Roxana Constantinescu. Obéron (Tansel Akzeybek) comme Puck (Silvia de la Muela) «prennent le rôle» eux aussi avec talent. Je suis en revanche plus réservée sur la Rezia de Ricarda Merbeth, que l’on avait pourtant beaucoup appréciée en Comtesse dans les Noces en 2008 et en Impératrice dans La Femme sans ombre. Rézia est certes une femme de courage et détermination, mais elle lui donne une dimension de femme guerrière, amplifiée par une articulation très visible qui capte l’attention inutilement. On a du mal à la suivre, ce qui rend l’histoire vaine, puisqu’en fin de compte c’est elle qui la porte.
Saluons en revanche sans réserve le récitant: Volker Muthman est vif, agile, réactif et c’est peut-être lui qui crée l’unité, intégrant figurants et danseurs dont la prestation est très réussie.

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 26/04/2011 à 09:12, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.