Mahler : Quatrième Symphonie

Orchestre des Champs-Élysées, Philippe Herreweghe
Une Quatrième qui manque de peu son décollage céleste

Le travail de Philippe Herreweghe et son Orchestre des Champs-Elysées est toujours intéressant tant il apporte une écoute neuve sur tout le répertoire abordé. Cette version de la quatrième de Mahler, symphonie en apparence classique, pleine d’humour, de sarcasmes et de légèreté dédiée à une interprétation du monde terrestre et céleste par une enfance éternelle, trouve ici des nouveautés fascinantes. Les tempi sont globalement allants et la souplesse des nombreux enchaînements de sections au sein des divers mouvements sont réalisés avec beaucoup de ductilité et de naturel. Jamais de rupture, tout coule et avance avec élégance. Aucune pesanteur, aucune emphase, mais sans mièvrerie, ni manque d’ampleur. Ce qui permet au chef et à son orchestre de suprême qualité instrumentale, de nous réserver de belles surprises dans la découverte de contre-chants, thèmes secondaires ou rythmes superposés. Cette lecture très détaillée et analytique n’est jamais sèche, ni métronomique. L’absence systématique de vibrato dans l’orchestre et la présence quasi systématique de portamenti aux cordes étonne puis séduit. Le premier mouvement avance et permet de déguster la pureté des timbres, la richesse des phrasés et la précision des attaques. Les bois et les percussions prennent ainsi beaucoup de relief. Dans le deuxième mouvement, scherzo dansant, la précision du jeu des instrumentistes est relayée admirablement par une prise de son de grande qualité qui met en lumière tous les plans alternativement, permettant une écoute de détails assez novatrice. Le violon solo avec sa double scordatura est intégré à la complexité rythmique des autres pupitres comme rarement. L’andante, Ruhevoll, permet de succomber à ces cordes pures et sans vibrato, qui planent haut et subtilement au dessus de tout l’orchestre. Une belle émotion se dégage de cette pièce magique débarrassée de pathos et de sensiblerie. Même le grand moment forte convainc par une belle dynamique maîtrisée et vite résolue dans une coda à l’angélisme sublime. Tout est donc en place pour que la soprano nous entraîne pour le final vocal dans cette vision riche et contrastée du paradis vu par les enfants en leur éternité. Las, le choix de Rosemary Joshua est catastrophique. Un vibratello rapide, servant de seule structure à la voix, défigure et réduit à néant tout le patient travail de l’orchestre, qui garde ses merveilleuses qualités rendant l’intervention de la soprano définitivement incongrue. La prise de son la met très en avant pour notre malheur!
Deux remarques à Monsieur Herreweghe qui lance sa propre collection avec cet opus et prépare certainement une intégrale Mahler. Mieux choisir ses chanteurs, peut être faire confiance à de jeunes voix, et surtout offrir à l’acheteur du CD le texte chanté, c’est le moindre effort quand on sait l’importance pour Mahler de ces lieder qui irriguent toutes ses symphonies musicalement. Avoir le texte sous les yeux lorsqu’il est chanté est une nécessité!
Ainsi faut-il se contenter dans cette version attachante des trois premiers mouvements, vraiment très réussis.
Et comme il faut quitter son siège pour chercher le texte chanté dans un autre CD autant écouter le final dans cette version!

Hubert Stoecklin
Publié le 30/12/2010 à 09:09, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.