Schubert

Mélodies oubliées
CD Klarthe

Quelle belle schubertiade que cette réunion artistique et amicale sur des mélodies du grand compositeur autrichien! Elle n’a certes rien d’improvisé, mais on sent une complicité harmonieuse entre les trois interprètes, une entente musicale au service de Schubert: tout semble facile, couler de source pure. Ils chantent d’une seule voix en quelque sorte. Les arrangements pour alto servis par Arnaud Thorette colorent l’ensemble d’une tonalité chaude dont on perçoit les reflets chatoyants dans la voix de Karine Deshayes. Tout n’est pas oublié ou méconnu dans le choix des lieder ou mélodies et on trouve des chefs d’œuvre absolus, par ailleurs bien servis au disque. Ainsi du Pâtre sur le rocher, pour piano, voix et clarinette (D. 965), ici transcrit à l’alto. 11 minutes de grâce douloureuse auxquelles l’alto automnal marié à la voix dorée de la mezzo - que les graves sont beaux! - donne un surcroit de mélancolique douceur. Un tableau s’esquisse, celui d’un paysage patiné par le piano subtil de Johan Farjot: dans un crépuscule poignant l’homme que berce l’espoir sait déjà sa mort. On retrouve la même alliance des timbres et des couleurs «Sur le fleuve» initial (D. 943), véritable entrelacement des voix. Karine Deshayes donne aux Vier Canzonen (D. 688), sur des textes italiens, l’élégance qui sied et qu’on lui connait à la scène. Dans la succession des 17 plages de l’album, tantôt l’alto et le piano, tantôt le piano et la voix, ici le piano et l’alto, là le trio offrent un Schubert précieux entre tous, profond et tendre, douloureux sans s’appesantir, frémissant et discret, qui touche au cœur. On écoute aussi des pages plus délaissées, comme la Romance d’Hélène, extraite des Conjurés ou La Didona Abandonata (D. 510) d’un Schubert discrètement théâtral. L’enregistrement se clôt sur l’hymne à la musique An die Musik, pour piano et voix transcrite à l’alto. (D; 547). Rappelons ses paroles: «Ô noble art, que de fois dans les heures tristes, / Quand m’étreignait le poids de la vie, / As-tu réchauffé mon cœur à des cieux plus doux, / M’as-tu enivré dans un monde plus beau!». Ce CD exprime la même profession de foi et fait éprouver à l’auditeur la même supérieure émotion. Merci à eux trois.

Jean Jordy


Schubert Le Pâtre sur le rocher
Publié le 16/12/2025 à 17:40.