Cloître d'Elne
> 1e août
Duo de guitares sous les voûtes romanes
Agua e Vinho
Photographie par Jean Jordy
Qu’il est doux, sous une brise légère, sereinement installés sous les voûtes d’un des plus beaux monuments historiques de la région, entre les élégantes colonnes de marbre veiné de bleu, d’entendre s’écouler la fraîcheur des accords de deux guitares fraternelles! C’est cette aimable correspondance de sensations mêlées, une musique vive et animée, la légèreté de l’air, la beauté des lieux que nous a permis de goûter le duo Agua et Vinho. Les lecteurs mélomanes auront reconnu dans cette association de termes non pas une invitation bien pensante à mette de l’eau dans son vin – horresco referens – mais le nom d’un air très fameux d’Egberto Gismonti (1947) auquel notre duo de guitaristes a emprunté son nom et qu’il met au cœur d’un programme original, varié et exigeant. Les deux amis commencent le récital par Couperin et Rameau. Du premier on retient des Barricades mystérieuses qui n’ont jamais aussi bien porté leur qualificatif, tant les deux instruments confèrent à la célèbre page originellement pour clavecin une aura supplémentaire de chatoiement harmonique et de troublante beauté. Du second, on apprécie le rythme qu’ajoutent à la Danse des Sauvages ou à l’Air pour les Esclaves africains les percussions: oui, les percussions au pied ou à la main, trouvaille dont le duo n’abuse pas, mais à l’effet garanti. Le voyage en musique baroque se prolonge par la brève et brillante Sonate 84 de Padre Antonio Soler (1729 – 1783), elle aussi adaptée du clavecin avec brio par Régis Daniel, comme toutes les autres transpositions. C’est une une pièce d’une pimpante alacrité dont le ruissellement frémissant sied parfaitement aux deux instruments à cordes et à la superbe maîtrise instrumentale des interprètes. Professeur de musique, chef de chœurs et d’orchestre – on se rappelle un Reqiem de Verdi ardent entendu à la Halle aux grains dans le cadre d’une coopération pédagogique régionale de grande ampleur, Régis Daniel est aussi compositeur. On entend de lui une Cinematic Fantasy qui emprunte son inspiration aussi bien aux musiques de films qu’aux œuvres dites répétitives d’un Philippe Glass. La page, ambitieuse et structurée, ouvre sur un univers à la fois technique et poétique très original que réchauffe notamment la guitare aguerrie de Pierre Millan-Trescases. Ce dernier, élève du grand guitariste et pédagogue Alberto Ponce (1935 - 2019) qui a enseigné au Conservatoire national supérieur de Paris, professeur de guitare classique reconnu, relève tous les défis techniques semés par son compère tant dans les transpositions que dans les œuvres originales. Le duo qui fête cette année ses 20 ans de compagnonnage invite ensuite à un superbe voyage. Celui, à la fois géographique et spirituel qu’offrent deux pages du chilien Gustavo Santaolalla, musicien guitariste, compositeur de musique, notamment de films. Il a obtenu deux oscars, dont un pour Babel, dont nous écoutons un extrait envoûtant, sensuel enrichissement de la trame sonore et des échanges entre les deux instruments. Le brésilien Paulo Bellinati et son bien connu Jongo prolongent le plaisir par un jeu virtuose d’une belle intensité que ponctuent les frappements sur la table d’harmonie, annonciateurs d’applaudissements mérités. Le public est conquis.
On me permettra un conseil… amical. Peut-être conviendrait-il d’atténuer le caractère «bon enfant», «on est entre amis» de la présentation. Plus de rigueur s’imposerait dans le discours qui guide l’écoute. Cette parole improvisée, tout en conservant sa bonhomie et sa légèreté, gagnerait à apparaître plus professionnelle. En revanche, gardez, Messieurs, votre simplicité de bon aloi, votre souriante complicité, et vos «bis» clins d’œil et originaux: un hymne au Canigou bien connu Montanyas regalades aux subtiles variations et une élégante Fantaisie de Schubert conçue pour piano à quatre mains et ici arrangée pour quatre mains… sur une seule guitare: cette spectaculaire prouesse technique et musicale couronne un récital aussi léger que chaleureux.
Jean Jordy
On me permettra un conseil… amical. Peut-être conviendrait-il d’atténuer le caractère «bon enfant», «on est entre amis» de la présentation. Plus de rigueur s’imposerait dans le discours qui guide l’écoute. Cette parole improvisée, tout en conservant sa bonhomie et sa légèreté, gagnerait à apparaître plus professionnelle. En revanche, gardez, Messieurs, votre simplicité de bon aloi, votre souriante complicité, et vos «bis» clins d’œil et originaux: un hymne au Canigou bien connu Montanyas regalades aux subtiles variations et une élégante Fantaisie de Schubert conçue pour piano à quatre mains et ici arrangée pour quatre mains… sur une seule guitare: cette spectaculaire prouesse technique et musicale couronne un récital aussi léger que chaleureux.
Jean Jordy
Publié le 06/09/2023 à 20:20, mis à jour le 06/09/2023 à 20:21.