Quatuor Ellipsos et Thierry Escaich

Fusion. Live in Dresden
Œuvres de Bach, Schumann, Vivaldi, Piazzolla, Escaich. Quatuor Ellipsos, Thierry Escaich, orgue. CD NoMadMusic.

Utmisol suit fidèlement et avec un égal plaisir les enregistrements du Quatuor Ellipsos. Rendant compte du CD Fernande Decruck: Saxophonie, Jean-Félix Marquette s’enthousiasmait: «Le Quatuor Ellipsos, qui est dans sa dix-huitième année, se montre aussi incisif, joyeux et entraînant que redoutable techniquement pour faire revivre cette musique, certes un peu oubliée, mais toujours source de plaisir où malice, influences jazzistiques et lyrisme le disputent au néo-classicisme le plus élégant. ». Chroniquant Saxophones au pluriel nous ne tarissions pas d’éloges: «Ce dynamique ensemble d’instrumentistes offre une musique tonique, chaleureuse, multiculturelle, pleine de pulsations, écrite par cinq musiciens contemporains. [… ] Climats variés, couleurs bigarrées, sonorités chaudes, nuancées, souffles exotiques, œuvres de tous horizons composent ce voyage sans frontières à travers les sons et les cultures. ». Le nouvel opus du groupe auquel se joint Thierry Escaich à l’orgue ne cède en rien aux précédents dans l’originalité audacieuse et la confusion des frontières. Les improvisations du compositeur contemporain se glissent entre les pages de Bach, Vivaldi, Schumann, Piazzolla pour tisser un continuum musical qui mêle réminiscences, variations, correspondances, échos, et œuvres rigoureusement écrites, tels les Trois poèmes pour orgue : fluides ou inquiétants, souvent mystérieux, ils épanouissent dans l’association du quatuor et de l’orgue une profondeur et une acuité intenses. Le titre de l’album Fusion dit à merveille le résultat de cette collaboration qui par son énergie, l’écoute entre chacun et la réactivité, l’inventivité, l’élan impose la vitalité d’un concert in vivo. Ici tout est pulsé, animé, ardent, en un mot vivant. Ainsi du Concerto pour violon et hautbois BWV 1060, à l’ouverture de l’album, retranscrit, selon une pratique courante à l’époque et consacrée maintes fois par Bach lui-même, ici pour orgue et saxophones. Le mélange des timbres assombrit et cuivre le son qui apparait plus rond, plus chaleureux. L’auditeur pleinement convaincu par l’originale polyphonie guette avec gourmandise les autres plages. Le Choral BWV 659 séduit lui par sa paisible solennité, sa ferveur profonde, auxquelles les bois confèrent une chatoyante tendresse. La première improvisation d’Escaich impose en prolongement respectueux un hommage inventif. La Cinquième fugue de Schumann sur le nom de Bach, espiègle, respire avec grâce et la transcription par le Cantor d’un concerto de Vivaldi trouve dans les accents des instruments embrassés à épanouir ses lignes et à dorer ses couleurs. Les deux pages de Piazzolla, folâtres et virtuoses, mariées à celles d’Escaich convainquent pleinement, s’il en était besoin, de la pertinence musicale de l’audacieuse combinaison des timbres. L’esprit de Bach, le rythme du tango, la pulsation du jazz s’harmonisent dans une fusion des traditions et des pratiques jubilatoire. On en redemande comme le public conquis.
Thierry Escaich et le Quatuor Ellipsos proposent plus qu’une association originale. Ils accomplissent une fraternelle création, une communion artistique du plus haut niveau.

Jean Jordy

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Publié le 15/05/2023 à 19:56.