Halle aux Grains
> 7 avril

Jeux de vagues et lames de fond

Orchestre National du Capitole de Toulouse
Jean Rondeau, clavecin
Kazuki Yamada, direction


Kazuki Yamada est un habitué de la Halle aux Grains et les concerts qu’il y dirige sont toujours très réussis. Ce dernier ne va certainement pas déroger à la règle.
Le Concert champêtre de Francis Poulenc, comme du reste tous les concertos pour clavecin contemporains, est rarement entendu dans nos auditoriums modernes. Cela est bien dommage car c’est une œuvre aussi spectaculaire qu’aboutie.
Jean Rondeau, nouvelle star du clavecin, dans les pas de Wanda Landowska qui créa l’œuvre en 1929, nous en livre une lecture éblouissante. Dans une ambiance de concerto grosso, chef, orchestre et soliste tissent un subtil dialogue joyeux à l’élégance toute française dans l’esprit du XVIIIe siècle. C’est par ailleurs, en guise de prolongement esthétique, une pièce de François Couperin que Jean Rondeau jouera en bis: les fameuses Barricades mystérieuses.
En première partie, le concerto pour orchestre d’Akira Miyoshi (1933-2013), œuvre de 1964 de cet ancien élève du Conservatoire de Paris, en trois parties, d’un post-néoclassisme assumé, évoque encore les influences de l’école française du XXe siècle, notamment Messiaen et Dutilleux que ce compositeur admirait. Là l’Orchestre National du Capitole de Toulouse brille de mille feux. Les percussions, les cuivres, les vents et les cordes rivalisent d’assauts belliqueux qui composent une immense houle dévastatrice à peine jugulée par la baguette nerveuse de Kazuki Yamada.
En seconde partie et en guise d’apothéose deux œuvres de Claude Debussy ravirent encore l’auditoire.
Tout d’abord le ballet Jeux, donné ce soir dans un climat un peu vaporeux, qui amoindri la savante construction élaborée par l’auteur mais qui en exacerbe les doux mystères.
Et enfin La Mer, œuvre maîtresse s’il en est, qui resplendit ce soir telle une eau-forte à la démesure marquée, loin de l’impressionnisme et des clair-obscurs que d’autres y peignent habituellement. La direction de Kazuki Yamada assume son sens du tragique et développe une narration poétique qui ne peut qu’emporter tous les suffrages.

Jean-Félix Marquette
Publié le 17/04/2023 à 19:28.