Halle aux Grains
> 23 mars

La Rivière du temps

Orchestre National du Capitole de Toulouse
Photographie par Marco Borggreve
Alexeï Ogrintchouk, hautbois
Tugan Sokhiev, direction


Après sa prestation très remarquée cinq jours avant à la Halle aux Grains avec le Philharmonique de Vienne, Tugan Sokhiev retrouvait son ex-orchestre dans cette même salle.
Il nous présentait trois œuvres de compositeurs russes dont une création française.
Commençons par celle ci, il s’agissait du deuxième concerto pour hautbois d’Alexandre Raskatov sous-titré «Time’s River».
Ce dernier qui vit en France depuis 2004, a été chargé notamment par Irina Schnittke, la veuve d’Alfred Schnittke, de reconstruire la symphonie 9 de ce dernier à partir des esquisses qu’il avait laissé à sa mort.
Son concerto donc, dédié à son compatriote Alexeï Ogrintchouk, premier hautbois du Concertgebouw d’Amsterdam, est une œuvre en cinq mouvements dont l’esthétique rappelle assez fortement le «polystylisme» d’Alfred Schnittke.
Très bien écrite, faisant appel à un orchestre imposant associant cordes, percussions abondantes et vents allant de la petite flûte, à la petite clarinette, à la petite trompette et jusqu’au trombone contre-basse en passant par deux cors, offre à l’instrument soliste une partition aussi variée que virtuose, souvent tumultueuse mais se finissant dans le dernier mouvement titré en français Berceuse de l’Eau en un doux récit élégiaque.
Le dédicataire y est impérial et Tugan Sokhiev, plus qu’appliqué, lui offre un accompagnement optimal. Très applaudis ils sont rejoints sur la scène par l’auteur en personne.
Dans les deux autres œuvres, Tugan Sokhiev, là dans son jardin, fait resplendir son orchestre, du premier violon Jaewon Kim, au violoncelle principal Sarah Iancu, dans l’ouverture La Grande Pâque russe de Nikolaï Rimski-Kosakov et donne de la neuvième symphonie de Dmitri Chostakovitch un visage aux mimiques aussi malicieuses qu’ironiques.
Là encore, son orchestre qu’il n’a pas besoin de réfréner, à l’image du langoureux basson de Guillaume Brun, le suit comme un seul homme dans ce cheminement où l’expressivité le dispute aux déflagrations des différents climats où s’illustrent de splendides percussions .
Après le triomphe mérité, Tugan Sokhiev devait revenir sur scène, porteur d’un bouquet de fleur, pour honorer fort sympathiquement François Laurent longtemps flûte solo de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse qui partait à la retraite.

Jean-Félix Marquette
Publié le 05/04/2023 à 07:56.