Dvořák Hall, Rudolfinum, Prague
> 31 janvier
Récital Pene Pati et Amina Edris
Prague Philharmonia
Photographies par Alexandre Pajon
La promotion des spectacles est un objet de marketing auquel la musique classique ne saurait échapper. La vente des concerts et des disques des artistes est poussée par des pitches, du teasing ainsi que du story telling. Pour distinguer le «produit» on mettra en avant ici une enfance modeste là une plastique de mannequin. L’aspect artistique est souvent secondaire. À dire vrai depuis que le public français a véritablement découvert Pene Pati, ténor samoan-néozélandais, en 2021 dans le rôle de Nemorino à l’Opéra Bastille, puis en Roméo à l’Opéra Comique nous avons assisté à un assaut de dithyrambes qui pouvait susciter la méfiance. Il signa son premier album chez Warner Classic, sorti en mars 2022, classé n°1 des ventes classiques dès sa parution; la critique comme la presse non spécialisée se mit à parler de l’apparition d’un nouveau Pavarotti!
Le récital que donna Pene Pati à Prague fin janvier était une belle occasion d’en juger directement. En cette basse saison, la grande et belle salle du Rudolfinum était remplie de mélomanes attentifs et non de touristes. Pendant le premier tiers du concert le public resta discret. Chacun attendait, jaugeait ce que cet homme de trente-six ans, précédé d’une pareille réputation, allait offrir. La lecture du programme favorisait aussi cette attitude. Comment pouvait-il avoir le culot de s’attaquer à un répertoire pareil? Il devait parcourir les plus grands airs de Verdi et de Puccini mais aussi des pièces inattendues de Massenet et de Benjamin Godard et ce avec sa compagne la soprano Amina Edris.
Le charme joua vite. Après trente minutes les réserves, les dernières résistances furent emportées par son interprétation de «L’amour! Ah! Lève-toi soleil!» du Roméo et Juliette de Gounod. Cette voix exceptionnelle associée à une présence très forte conquit le public. Amina Edris donnait délicatement la réplique et accentuait la grande tendresse émanant de ce récital.
Il ne saurait être question de Pavarotti mais cet homme est vraiment un phénomène qui rejoint les plus grands! Sa voix peut être à la fois puissante et très douce, capable de monter dans les aigus, le tout sans la moindre trace d’effort. Son phrasé est parfait, drôle même, en italien dans trois pièces de Francesco Paolo Tosti, lumineux en français. Sa compréhension du répertoire européen est en soi une performance. Pas d’emphase malgré une aisance exceptionnelle chez ce ténor qui exprima avec simplicité le bonheur de partager la scène avec Amina Edris et l’orchestre. Cette phalange pragoise a atteint, grâce à Emmanuel Villaume qui est son directeur artistique depuis 2015, une belle capacité à interpréter les musiques françaises et italiennes outre le répertoire tchèque. Le chef polonais tira le meilleur profit de musiciens aguerris et sut mettre en valeur les voix tout en conservant la dimension opératique quand cela était nécessaire.
Le public finit subjugué. Il accorda à Pene Pati une très longue standing ovation récompensée par trois airs dont deux fois «Nessun dorma». Avec Pene Pati les formules de marketing paraissent un peu vaines.
Il est une grande voix originale et déjà un artiste accompli.
Notons que le récital fut enregistré par une production française et est diffusé par Mezzo avant de l’être sur Culture Box.
Alexandre Pajon
Le récital que donna Pene Pati à Prague fin janvier était une belle occasion d’en juger directement. En cette basse saison, la grande et belle salle du Rudolfinum était remplie de mélomanes attentifs et non de touristes. Pendant le premier tiers du concert le public resta discret. Chacun attendait, jaugeait ce que cet homme de trente-six ans, précédé d’une pareille réputation, allait offrir. La lecture du programme favorisait aussi cette attitude. Comment pouvait-il avoir le culot de s’attaquer à un répertoire pareil? Il devait parcourir les plus grands airs de Verdi et de Puccini mais aussi des pièces inattendues de Massenet et de Benjamin Godard et ce avec sa compagne la soprano Amina Edris.
Le charme joua vite. Après trente minutes les réserves, les dernières résistances furent emportées par son interprétation de «L’amour! Ah! Lève-toi soleil!» du Roméo et Juliette de Gounod. Cette voix exceptionnelle associée à une présence très forte conquit le public. Amina Edris donnait délicatement la réplique et accentuait la grande tendresse émanant de ce récital.
Il ne saurait être question de Pavarotti mais cet homme est vraiment un phénomène qui rejoint les plus grands! Sa voix peut être à la fois puissante et très douce, capable de monter dans les aigus, le tout sans la moindre trace d’effort. Son phrasé est parfait, drôle même, en italien dans trois pièces de Francesco Paolo Tosti, lumineux en français. Sa compréhension du répertoire européen est en soi une performance. Pas d’emphase malgré une aisance exceptionnelle chez ce ténor qui exprima avec simplicité le bonheur de partager la scène avec Amina Edris et l’orchestre. Cette phalange pragoise a atteint, grâce à Emmanuel Villaume qui est son directeur artistique depuis 2015, une belle capacité à interpréter les musiques françaises et italiennes outre le répertoire tchèque. Le chef polonais tira le meilleur profit de musiciens aguerris et sut mettre en valeur les voix tout en conservant la dimension opératique quand cela était nécessaire.
Le public finit subjugué. Il accorda à Pene Pati une très longue standing ovation récompensée par trois airs dont deux fois «Nessun dorma». Avec Pene Pati les formules de marketing paraissent un peu vaines.
Il est une grande voix originale et déjà un artiste accompli.
Notons que le récital fut enregistré par une production française et est diffusé par Mezzo avant de l’être sur Culture Box.
Alexandre Pajon
Publié le 20/02/2023 à 20:02, mis à jour le 20/02/2023 à 20:04.