De Charpentier à Hersant
Messe et cantique à quatre chœurs
Marc-Antoine Charpentier, Messe à quatre chœurs; Philippe Hersant, Cantique des trois enfants dans la fournaise. Maîtrise de Radio France, Pages, Chambres et Symphonistes du Centre de musique baroque de Versailles, Olivier Schneebeli et Sofi Jeannin, direction. CD Radio France.
C’est sous le signe symbolique et prégnant de la croix que Marc-Antoine Charpentier, de retour d’un voyage en Italie, conçoit, structure, organise spatialement la prodigieuse Messe à quatre chœurs (vers 1670-1674). L’œuvre est composée pour frapper les esprits et les cœurs: l’auditeur doit baigner dans cette polyphonie - une quadriphonie en quelque sorte - et se laisser saisir par sa grandeur, émouvoir par sa haute spiritualité. L’interprétation proposée, enregistrée lors d’un concert à Radio France en février 2019, en exalte toutes les beautés. On doit inviter le lecteur à s’imprégner de l’excellente présentation du livret d’accompagnement signée Olivier Schneebeli, un des maîtres d’œuvre du projet musical et discographique et directeur du chœur «Les Pages et les Chantres» du Centre de musique baroque de Versailles. Cette messe est un chef d’œuvre. Noble, elle émeut. Puissante, elle rend humble. Inspirée, elle éblouit. Grandiose, elle renvoie à notre humanité. Soutenus par une instrumentation qui varie avec chacun des quatre chœurs (violons, violes, anches, cuivres), les ensembles vocaux épanchent leur profession de louange, de reconnaissance et de foi avec une simplicité, une dignité et un engagement exemplaires. Une vidéo aisément accessible sur Internet permet de comprendre le dispositif dramatique mis en place et la théâtralité de cette musique dont rend compte l’excellente prise de son de l’enregistrement. Les quatre fois dix-huit chanteurs de tous âges, spatialement séparés, se fondent cependant dans une communion qui est de l’ordre de la célébration religieuse. Le Gloria, au début presque timide dans sa juvénilité, fait in fine déferler avec ferveur les houles superposées du Quoniam tu solus sanctus. Les six étapes du Credo magnifientla variété inventive avec laquelle Charpentier promeut le texte sacré pour des effets sonores (échos, superpositions, fusion) adaptés aux effets à produire sur l’auditoire du XVIIe siècle réuni pour affirmer sa foi dans la reconnaissance et dans la joie. De l’interprétation, on admire la cohésion et l’élégance, la subtile différenciation et l’efficace étagement des voix, l’harmonie judicieusement répartie des groupes instrumentaux, la direction à la fois souple et rigoureuse. Le résultat se révèle spectaculaire et magnifique. Tout autant que l’enregistrement suivant, dirigé par Sofi Jeannin, du Cantique des trois enfants dans la fournaise. Le compositeur contemporain compose cette page en 2013-2014 dans la même configuration musicale que Charpentier, mais sur un texte d’Antoine Godeau (1605-1672) «évêque de Grasse et poète mystique». Dans sa présentation, Philippe Hersant dit son goût pour la musique baroque et revendique s’inscrire ici dans sa tradition. Les deux partitions se répondent en effet par leur force et leur ferveur. On aime la grâce des premiers instants où s’élèvent accompagnées aux luths les voix disjointes ou tuilées des trois jeunes garçons solistes, la noble ampleur des évocations célestes «Voûtes d’or, miracles roulants, Globes de flammes étincelants», les invocations à la fois grandioses et humbles aux merveilles créées par Dieu, la construction mélodique et harmonique de ce chant qui épand sa lumière, avec ce qu’on pourrait nommer cette écriture de l’Évidence mystique. On admire aussi le dramatisme de certaines parties propres à faire ressortir par contraste l’émerveillement devant la beauté du monde et la grandeur du Créateur. La musique de Philippe Hersant épouse la ligne mélodique, le rythme souple des vers du poète, créant un envoûtement profondément accordé au sublime textuel.
Nous recommandons hautement cet enregistrement d’une grande beauté, lumineux, rayonnant. Musique baroque et musique contemporaine se rencontrent à proprement parler sur les cimes de la plus haute spiritualité.
Jean Jordy
Extrait sur YouTube
C’est sous le signe symbolique et prégnant de la croix que Marc-Antoine Charpentier, de retour d’un voyage en Italie, conçoit, structure, organise spatialement la prodigieuse Messe à quatre chœurs (vers 1670-1674). L’œuvre est composée pour frapper les esprits et les cœurs: l’auditeur doit baigner dans cette polyphonie - une quadriphonie en quelque sorte - et se laisser saisir par sa grandeur, émouvoir par sa haute spiritualité. L’interprétation proposée, enregistrée lors d’un concert à Radio France en février 2019, en exalte toutes les beautés. On doit inviter le lecteur à s’imprégner de l’excellente présentation du livret d’accompagnement signée Olivier Schneebeli, un des maîtres d’œuvre du projet musical et discographique et directeur du chœur «Les Pages et les Chantres» du Centre de musique baroque de Versailles. Cette messe est un chef d’œuvre. Noble, elle émeut. Puissante, elle rend humble. Inspirée, elle éblouit. Grandiose, elle renvoie à notre humanité. Soutenus par une instrumentation qui varie avec chacun des quatre chœurs (violons, violes, anches, cuivres), les ensembles vocaux épanchent leur profession de louange, de reconnaissance et de foi avec une simplicité, une dignité et un engagement exemplaires. Une vidéo aisément accessible sur Internet permet de comprendre le dispositif dramatique mis en place et la théâtralité de cette musique dont rend compte l’excellente prise de son de l’enregistrement. Les quatre fois dix-huit chanteurs de tous âges, spatialement séparés, se fondent cependant dans une communion qui est de l’ordre de la célébration religieuse. Le Gloria, au début presque timide dans sa juvénilité, fait in fine déferler avec ferveur les houles superposées du Quoniam tu solus sanctus. Les six étapes du Credo magnifientla variété inventive avec laquelle Charpentier promeut le texte sacré pour des effets sonores (échos, superpositions, fusion) adaptés aux effets à produire sur l’auditoire du XVIIe siècle réuni pour affirmer sa foi dans la reconnaissance et dans la joie. De l’interprétation, on admire la cohésion et l’élégance, la subtile différenciation et l’efficace étagement des voix, l’harmonie judicieusement répartie des groupes instrumentaux, la direction à la fois souple et rigoureuse. Le résultat se révèle spectaculaire et magnifique. Tout autant que l’enregistrement suivant, dirigé par Sofi Jeannin, du Cantique des trois enfants dans la fournaise. Le compositeur contemporain compose cette page en 2013-2014 dans la même configuration musicale que Charpentier, mais sur un texte d’Antoine Godeau (1605-1672) «évêque de Grasse et poète mystique». Dans sa présentation, Philippe Hersant dit son goût pour la musique baroque et revendique s’inscrire ici dans sa tradition. Les deux partitions se répondent en effet par leur force et leur ferveur. On aime la grâce des premiers instants où s’élèvent accompagnées aux luths les voix disjointes ou tuilées des trois jeunes garçons solistes, la noble ampleur des évocations célestes «Voûtes d’or, miracles roulants, Globes de flammes étincelants», les invocations à la fois grandioses et humbles aux merveilles créées par Dieu, la construction mélodique et harmonique de ce chant qui épand sa lumière, avec ce qu’on pourrait nommer cette écriture de l’Évidence mystique. On admire aussi le dramatisme de certaines parties propres à faire ressortir par contraste l’émerveillement devant la beauté du monde et la grandeur du Créateur. La musique de Philippe Hersant épouse la ligne mélodique, le rythme souple des vers du poète, créant un envoûtement profondément accordé au sublime textuel.
Nous recommandons hautement cet enregistrement d’une grande beauté, lumineux, rayonnant. Musique baroque et musique contemporaine se rencontrent à proprement parler sur les cimes de la plus haute spiritualité.
Jean Jordy
Extrait sur YouTube
Publié le 24/03/2022 à 20:06, mis à jour le 24/03/2022 à 20:09.