Quatuor Sine Nomine
Mendelssohn et Dvorak
Mendelssohn Quatuors à cordes op. 12 et op. 13, Capriccio op. 81 n°3. CD Cascavelle.
Dvorak, Quatuors à cordes op. 61, n°11, op. 106, n°13. CD Cascavelle.
De A à Z. D’Arriaga à Zinsstag, le répertoire du quatuor à cordes suisse Sine Nomine s’étend sans exclusive, en passant par les Everest que sont les œuvres signées Beethoven, Schubert, Haydn, Bartok, Mozart, Chostakovitch ou Brahms. Et pour chacune, au disque ou en concert, on peut admirer la souveraine technique, la cohésion et l’harmonie, la diversité et ce qu’on pourrait nommer la justesse de l’interprétation. En apportent un éclatant témoignage les deux enregistrements parus sous le beau label claves, l’un consacré à Mendelssohn, le second à Dvorak. Les deux quatuors à cordes opus 12 et 13 de Mendelssohn manifestent tendresse juvénile, nervosité virtuose et maîtrise formelle. Composé pendant l’été 1827, quelques mois après la mort de Beethoven (mars 1827), l’opus 13 en la mineur se développe autour du thème récurrent du lied Ist es wahr? Cette question (Frage est le titre réel du lied) d’amour touchante, interrogeant l’aimée sur la réalité de son sentiment, irrigue ou structure les quatre mouvements. Et l’interprétation du Quatuor Sine nomine se veut à la fois chantante (second mouvement) et pensive (adagio initial), mariant ainsi lyrisme et profondeur, virtuosité étincelante (second thème du II) et méditation souriante. Tout y respire la clarté et la douceur que les quatre complices font bruire et frémir sans maniérisme aucun, avec la délicatesse requise. Le Quatuor en Mi bémol majeur, comme son numérotage ne l’indique pas, suit de deux ans l’opus 13. Ceux qui ont taxé Mendelssohn de compositeur facile et superficiel pourraient trouver dans l’allegro turbulent et malicieux ou la canzonetta centrale de quoi alimenter leur parti pris. Une fois encore les Sine nomine rendent justice à la spécificité du génie du compositeur allemand: légèreté, fraîcheur, nerveuse fluidité disent l’impatience d’un cœur qu’habitent la grâce adolescente et la tendresse universelle, et qu’effleure fugacement l’angoisse de l’impermanence des choses. Le Capriccio clôt le disque par un mouvement d’une vigoureuse alacrité.
Nouveau compositeur, nouvelle approche. Dvorak dont l’œuvre de musique de chambre est à tous égards immense a composé quatorze quatuors à cordes. Les deux ici réunis se révèlent également puissamment structurés et provoquent chez l’auditeur la même sympathie. Le deuxième mouvement de l’opus 61chante un rêve que troublent de tendres passions tristes, une élégie qui émeut sans tourmenter. Le Scherzo gambade à travers champs et le finale tourbillonne sous l’archet d’un quatuor qui galope sans lâcher la bride, avant une réminiscence mélancolique. Admirons la maîtrise des interprètes pour varier les couleurs de ces climats changeants. Du Quatuor en Sol majeur on aime, ainsi joués, la grandeur simple, sans ostentation de l’Allegro initial, la gravité somptueuse, quasi sacrée de l’Adagio, le rythme décidé du Molto vivace, la conviction du Finale, la cohérence d’un ensemble abouti. Se pose pour tout grand quatuor la question récurrente: comment une formation de chambre peut-elle à ce point exprimer la puissance d’une construction et la clarté de l’architecture, la profondeur et la lumière? C’est souvent affaire de tempo, de rythme et de souffle communs dont la tenue et la retenue inspirent les interprétations les plus accomplies. Celles des Sine nomine appartiennent sans nul doute à cette glorieuse catégorie. Nommons pour les saluer non les quatre, mais les cinq partenaires: Patrick Genet, François Gottraux, violons, Marc Jaermann, violoncelle et à l’alto Nicolas Pache chez Mendelssohn et Hans Egidi chez Dvorak.
Jean Jordy
Dvorak, Quatuors à cordes op. 61, n°11, op. 106, n°13. CD Cascavelle.
De A à Z. D’Arriaga à Zinsstag, le répertoire du quatuor à cordes suisse Sine Nomine s’étend sans exclusive, en passant par les Everest que sont les œuvres signées Beethoven, Schubert, Haydn, Bartok, Mozart, Chostakovitch ou Brahms. Et pour chacune, au disque ou en concert, on peut admirer la souveraine technique, la cohésion et l’harmonie, la diversité et ce qu’on pourrait nommer la justesse de l’interprétation. En apportent un éclatant témoignage les deux enregistrements parus sous le beau label claves, l’un consacré à Mendelssohn, le second à Dvorak. Les deux quatuors à cordes opus 12 et 13 de Mendelssohn manifestent tendresse juvénile, nervosité virtuose et maîtrise formelle. Composé pendant l’été 1827, quelques mois après la mort de Beethoven (mars 1827), l’opus 13 en la mineur se développe autour du thème récurrent du lied Ist es wahr? Cette question (Frage est le titre réel du lied) d’amour touchante, interrogeant l’aimée sur la réalité de son sentiment, irrigue ou structure les quatre mouvements. Et l’interprétation du Quatuor Sine nomine se veut à la fois chantante (second mouvement) et pensive (adagio initial), mariant ainsi lyrisme et profondeur, virtuosité étincelante (second thème du II) et méditation souriante. Tout y respire la clarté et la douceur que les quatre complices font bruire et frémir sans maniérisme aucun, avec la délicatesse requise. Le Quatuor en Mi bémol majeur, comme son numérotage ne l’indique pas, suit de deux ans l’opus 13. Ceux qui ont taxé Mendelssohn de compositeur facile et superficiel pourraient trouver dans l’allegro turbulent et malicieux ou la canzonetta centrale de quoi alimenter leur parti pris. Une fois encore les Sine nomine rendent justice à la spécificité du génie du compositeur allemand: légèreté, fraîcheur, nerveuse fluidité disent l’impatience d’un cœur qu’habitent la grâce adolescente et la tendresse universelle, et qu’effleure fugacement l’angoisse de l’impermanence des choses. Le Capriccio clôt le disque par un mouvement d’une vigoureuse alacrité.
Nouveau compositeur, nouvelle approche. Dvorak dont l’œuvre de musique de chambre est à tous égards immense a composé quatorze quatuors à cordes. Les deux ici réunis se révèlent également puissamment structurés et provoquent chez l’auditeur la même sympathie. Le deuxième mouvement de l’opus 61chante un rêve que troublent de tendres passions tristes, une élégie qui émeut sans tourmenter. Le Scherzo gambade à travers champs et le finale tourbillonne sous l’archet d’un quatuor qui galope sans lâcher la bride, avant une réminiscence mélancolique. Admirons la maîtrise des interprètes pour varier les couleurs de ces climats changeants. Du Quatuor en Sol majeur on aime, ainsi joués, la grandeur simple, sans ostentation de l’Allegro initial, la gravité somptueuse, quasi sacrée de l’Adagio, le rythme décidé du Molto vivace, la conviction du Finale, la cohérence d’un ensemble abouti. Se pose pour tout grand quatuor la question récurrente: comment une formation de chambre peut-elle à ce point exprimer la puissance d’une construction et la clarté de l’architecture, la profondeur et la lumière? C’est souvent affaire de tempo, de rythme et de souffle communs dont la tenue et la retenue inspirent les interprétations les plus accomplies. Celles des Sine nomine appartiennent sans nul doute à cette glorieuse catégorie. Nommons pour les saluer non les quatre, mais les cinq partenaires: Patrick Genet, François Gottraux, violons, Marc Jaermann, violoncelle et à l’alto Nicolas Pache chez Mendelssohn et Hans Egidi chez Dvorak.
Jean Jordy
Publié le 28/09/2021 à 20:52, mis à jour le 28/09/2021 à 20:55.