Sabine Weyer
De Bach à Debussy
J-S Bach, Concerto pour piano et cordes n°1 et 5, Mendelssohn, Concerto pour violon, piano et cordes. Sabine Weyer, piano, Olga Pak, violon, Berliner Camerata. CD Orlando Records.
Claude Debussy, Images Livres 1 et 2, Rameau, Suite en La mineur. Sabine Weyer, piano. CD Orlando Records 55’07
On ne compte plus les enregistrements des concertos pour clavier (clavecin, piano forte ou piano) et orchestre à cordes de Jean Sébastien Bach, et singulièrement du n°4 en fa majeur, BWV 1055 et du n°5 BWV 1056. Conçues pour clavecin, les œuvres s’accommodent mal d’une interprétation dure et puissante: il y faut un jeu vif et alerte, un toucher léger et subtil auquel le piano «romantique» se prête souvent mal. Sabine Weyer, virtuose originaire du Luxembourg, cherche le juste équilibre entre les potentialités sonores de l’instrument et les effets sensibles de la partition. Mais le contraste reste grand entre le son un peu mince que produit l’orchestre et celui d’un piano, qui plus est placé au premier plan. On a souvent la sensation de deux discours parallèles surtout dans les Allegro initiaux où l’osmose n’opère pas. En revanche, dans les Larghetto et Adagio, où les forces chambristes se réduisent à un accompagnement de basse continue, le chant du piano, par définition retenue, suggère sa présence délicate sans hiatus. Et l’adagio du Concerto n°5 redevient ce moment incomparable de pure musique sublime. La belle Berliner Camerata s’avère le partenaire idéal pour le Concerto en ré mineur de Mendelssohn, écrit pour une association originale (violon, piano et cordes). Sabine Weyer trouve en Olga Pak, membre de l’ensemble de chambre berlinois, une magnifique complice. L’Adagio central rapproche l’auditeur moins de Jean-Sébastien Bach que de Mozart, par la grâce qui s’en dégage.
La grâce, telle est la sensation dominante dans les deux livres d’Images de Debussy que la virtuose choisit de présenter dans un ordre inversé et coupé par des pages de Rameau. Debussy, on le sait, a composé dans ces Images un frémissant Hommage à Rameau, et dans tout le disque, les correspondances entre les pages font naître des associations de palettes chromatiques, de climats qui assurent la cohérence de l’ensemble. Les pages de Rameau ont été conçues pour le clavecin, mais dans la solitude du studio, le piano se fait intime, discret, ému. Le jeu de l’interprète conjugue le délié et le rythme dans une Suite de Danses qui sollicite et nourrit l’imaginaire, et singulièrement celui d’un paysage naturel qui vibre sous un doux rayonnement. Telles les pages auxquelles Debussy a données un titre… après leur composition. Sans doute pour souligner la proximité avec le compositeur de Pelléas, Sabine Weyer livre avec bonheur une conception de Rameau sensible et dont les audaces harmoniques discrètes ici révèlent la pudeur expressive. Loin de la seule descriptions qui ferait de Debussy un peintre figuratif, Images s’imposent comme ce concentré de sensations sonores, ce jeu de couleurs qui miroitent, chatoient, tremblent dans la lumière du clavier. Les Reflets dans l’eau (plage 13) rejoignent dans leur pureté Et la lune descend sur le temple qui fut (plage 2) et Les Poissons d’or (plage 3)d’un paravent exotique préparent au Mouvement (plage 15) qui clôt l’enregistrement. Ainsi d’une page à l’autre, Sabine Weyer tisse des liens non seulement entre les deux livres d’Images, mais encore entre les deux compositeurs français que séparent deux siècles, mais que réunissent des affinités, comme une conception exigeante et raffinée de leur art.
Je conseille à ceux qui découvrent comme moi Sabine Weyer de guetter ses concerts ou ses enregistrements. Une interprète sensible et délicate y manifeste avec sûreté ses subtiles qualités.
Jean Jordy
Écouter des extraits sur YouTube:
Claude Debussy, Images Livres 1 et 2, Rameau, Suite en La mineur. Sabine Weyer, piano. CD Orlando Records 55’07
On ne compte plus les enregistrements des concertos pour clavier (clavecin, piano forte ou piano) et orchestre à cordes de Jean Sébastien Bach, et singulièrement du n°4 en fa majeur, BWV 1055 et du n°5 BWV 1056. Conçues pour clavecin, les œuvres s’accommodent mal d’une interprétation dure et puissante: il y faut un jeu vif et alerte, un toucher léger et subtil auquel le piano «romantique» se prête souvent mal. Sabine Weyer, virtuose originaire du Luxembourg, cherche le juste équilibre entre les potentialités sonores de l’instrument et les effets sensibles de la partition. Mais le contraste reste grand entre le son un peu mince que produit l’orchestre et celui d’un piano, qui plus est placé au premier plan. On a souvent la sensation de deux discours parallèles surtout dans les Allegro initiaux où l’osmose n’opère pas. En revanche, dans les Larghetto et Adagio, où les forces chambristes se réduisent à un accompagnement de basse continue, le chant du piano, par définition retenue, suggère sa présence délicate sans hiatus. Et l’adagio du Concerto n°5 redevient ce moment incomparable de pure musique sublime. La belle Berliner Camerata s’avère le partenaire idéal pour le Concerto en ré mineur de Mendelssohn, écrit pour une association originale (violon, piano et cordes). Sabine Weyer trouve en Olga Pak, membre de l’ensemble de chambre berlinois, une magnifique complice. L’Adagio central rapproche l’auditeur moins de Jean-Sébastien Bach que de Mozart, par la grâce qui s’en dégage.
La grâce, telle est la sensation dominante dans les deux livres d’Images de Debussy que la virtuose choisit de présenter dans un ordre inversé et coupé par des pages de Rameau. Debussy, on le sait, a composé dans ces Images un frémissant Hommage à Rameau, et dans tout le disque, les correspondances entre les pages font naître des associations de palettes chromatiques, de climats qui assurent la cohérence de l’ensemble. Les pages de Rameau ont été conçues pour le clavecin, mais dans la solitude du studio, le piano se fait intime, discret, ému. Le jeu de l’interprète conjugue le délié et le rythme dans une Suite de Danses qui sollicite et nourrit l’imaginaire, et singulièrement celui d’un paysage naturel qui vibre sous un doux rayonnement. Telles les pages auxquelles Debussy a données un titre… après leur composition. Sans doute pour souligner la proximité avec le compositeur de Pelléas, Sabine Weyer livre avec bonheur une conception de Rameau sensible et dont les audaces harmoniques discrètes ici révèlent la pudeur expressive. Loin de la seule descriptions qui ferait de Debussy un peintre figuratif, Images s’imposent comme ce concentré de sensations sonores, ce jeu de couleurs qui miroitent, chatoient, tremblent dans la lumière du clavier. Les Reflets dans l’eau (plage 13) rejoignent dans leur pureté Et la lune descend sur le temple qui fut (plage 2) et Les Poissons d’or (plage 3)d’un paravent exotique préparent au Mouvement (plage 15) qui clôt l’enregistrement. Ainsi d’une page à l’autre, Sabine Weyer tisse des liens non seulement entre les deux livres d’Images, mais encore entre les deux compositeurs français que séparent deux siècles, mais que réunissent des affinités, comme une conception exigeante et raffinée de leur art.
Je conseille à ceux qui découvrent comme moi Sabine Weyer de guetter ses concerts ou ses enregistrements. Une interprète sensible et délicate y manifeste avec sûreté ses subtiles qualités.
Jean Jordy
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Publié le 19/05/2021 à 00:02, mis à jour le 19/05/2021 à 00:07.