Cathédrale d'Elne
> 11 août

Quiz musical

Quatuor Euterpe
Questions pour un concert.

Pourquoi, entre une soirée Johnny Hallyday, du folklore russe et une journée antique, une municipalité programme-t-elle l’été trois ou quatre concerts de musique classique? Pour faire oublier l ’abandon douloureux du Festival de Piano prestigieux qui avait cours naguère? Pour faire vivre nuitamment un Cloître et une Cathédrale, joyaux injustement méconnus de l’art roman? Pour animer ses nuits en touchant un autre public?
Pourquoi le Quatuor Euterpe, groupe féminin d’instruments à cordes, organise-t-il un récital fait d’une bonne quinzaine d’arrangements à partir d’airs célèbres, de tubes de musique classique, dont aucun n’a été conçu pour une formation de ce type? Pourquoi se succèdent-ils dans un ordre à peu près chronologique, sans autre fil directeur, que la vague suggestion, tacite, implicite, d’un voyage aux paysages et aux climats multiples? Est-ce un programme estival ou un quiz musical laissant à l’auditeur, faute d’informations écrite ou orale, le souci ou le plaisir de reconnaître à la volée Bach, Vivaldi, Mozart, Verdi, Bizet, Offenbach, Massenet, Brahms, Ravel et tutti quanti dans des pages dont aucune n’excède cinq minutes? Pourquoi aucune annonce, car on compte pour rien l’allocution de vingt secondes d’une chargée à la culture municipale qui semble ne s’intéresser qu’aux aléa météorologiques, aucune présentation n’est faite des pages jouées et de l’intention d’ensemble, du projet culturel ou musical qui sous-tend ce récital?
Mais le concert est agréable, le public (clairsemé) ravi, et les jeunes dames talentueuses qui forment ce Quatuor célèbrent dignement la Muse de la Musique, Euterpe, celle qui sait plaire. Alexia Turiaf et Marie-Camille Cazenove violons, Pauline Guénichon alto et Delphine Roustany au violoncelle s’avèrent des professionnelles accomplies, vibrant d’une énergie commune. La communion n’est pas totalement au point ici ou là, ce sont les dangers et les surprises de la musique en direct. Mais des moments de réelle intensité, malgré la brièveté excessive des pages, emportent l’adhésion, d’une méditation de Thaïs fort expressive à un condensé du Boléro de Ravel qui surprend heureusement. On aurait souhaité plus d’audace dans la composition du programme et par exemple un mouvement du Quatuor à cordes 3 de Georges Bousquet (1818-1854) compositeur né à Perpignan, Premier Prix de Rome en 1848, grand admirateur de Félix Mendelssohn, auteur entre autres d’un opéra Tabarin, et mort prématurément à l’âge de 36 ans. Il existe en effet une vidéo où notre Quatuor Euterpe, sortant des sentiers battus, interprète avec grâce cette œuvre trop rare et oubliée. Dans ce lieu à la fois sobre et solennel situé à trois lieues de sa ville de naissance, le concert d’Elne eût été une belle occasion de réhabiliter ce compositeur catalan et d’élargir la curiosité d’un public peut-être plus exigeant que ne le laisse penser le choix de ce pot-pourri certes parfumé, mais manquant un peu d’épices.

Jean Jordy


Écouter le quatuor Euterpe:
Publié le 03/09/2019 à 06:30, mis à jour le 09/09/2021 à 19:45.