Georg Philipp Telemann
Don Quichotte (et autres pièces)
Telemann, Suite Don Quixotte, Concerto pour viole de gambe, Ouvertures. Viole de gambe, Anne Gaurier. Orchestre de Chambre de Toulouse, direction Gilles Colliard. CD Calliope 64’59.
La fantaisie la plus joyeuse anime cet enregistrement d’œuvres pour viole de gambe et orchestre de chambre composées par Telemann, un des plus féconds, inventifs, curieux et doués musiciens du XVIII° siècle. Et louons Gilles Colliard et ses fringants compagnons d’avoir réuni ces brillantes pages et d’en proposer une si réjouissante interprétation. Quel éclat, quelle verve, quelle vie! Après une noble ouverture largement déployée, sept épisodes inspirés du roman de Cervantès rythment la geste héroïco-comique de «l’ingénieux hidalgo». L’humour de Telemann et celui de l’Orchestre de Chambre de Toulouse triomphent dans une attaque des moulins à vent de haute volée, époustouflante de virtuosité, d’engagement loufoque et de flamme guerrière, alors que les soupirs amoureux pour Dulcinée s’étirent dans une série de révérences élégantes et touchantes. Quant aux galops des deux montures contrastées, ils sont conduits avec la boiterie et le déhanchement cocasses d’une danse à la distinction inaboutie. Car il faut pour réussir ces tableaux enlevés les sens du rythme et du burlesque, mais aussi et surtout une perception fine de l’harmonie et de la délicatesse. L’auditeur doit sourire, et non s’esclaffer; ainsi l’interprète saura-t-il, pour esquisser ces silhouettes pittoresques et sensibles, éviter la lourdeur épaisse et le grossissement du trait, Cet équilibre est totalement abouti dans cette allègre évocation du Quichotte que complètent des pages plus rares, mais non moins vivantes. Ainsi du Concerto pour viole de gambe en quatre mouvements où excelle Anne Gaurier dont on aime la sonorité ronde, l’énergie rythmique, la virtuose jovialité (Allegro), et dans le splendide adagio, la pénétrante profondeur. Des quelques six cent ouvertures écrites par Telemann aux titres souvent savoureux, nos interprètes ont choisi celle en sol majeur dite la Bizarre et celle en ré TWV 55, suites de danses baroques françaises du meilleur aloi, courantes et rondeaux, branles et menuets, gigues et gavottes, placées ici encore sous le signe de la fantaisie qui donne son nom à un mouvement sans retenue, mais non pas sans tenue. Un Rossignol conclut même la Bizarre, qui n’est guère évocation d’un chant mélodieux, mais enivrement, griserie rythmique, effervescence en effet surprenants et fantasques. Une aussi étonnante Trompette s’intercalera, nouvelle fantaisie, dans la suite de la seconde ouverture. Gilles Colliard et son orchestre de chambre donnent par ailleurs à chaque danse son juste rythme, d’élégante majesté pour la courante, preste pour la bourrée, vif pour la chaconne. Tendre est la gavotte, souple la sarabande, léger le menuet. Et sur ces airs de cour, on imagine aisément les couples se former et s’apprivoiser. De fait, toutes œuvres confondues, cet enregistrement compose des scènes de théâtre dans lesquelles s’ébattraient, joyeux, loufoques ou plus rarement élégiaques, des personnages profondément humains, des «fêtes galantes» où chantent les désirs fous, les pulsions d’allégresse, les élans du cœur. La musique de Telemann si audacieusement simple, directe, exprime cette passion gaie d’être au monde et tous les interprètes ont l’art, alliance de fougue et de clarté, de suivre le compositeur dans cette célébration trop rare du rayonnement de la musique et de la vie.
Jean Jordy
La fantaisie la plus joyeuse anime cet enregistrement d’œuvres pour viole de gambe et orchestre de chambre composées par Telemann, un des plus féconds, inventifs, curieux et doués musiciens du XVIII° siècle. Et louons Gilles Colliard et ses fringants compagnons d’avoir réuni ces brillantes pages et d’en proposer une si réjouissante interprétation. Quel éclat, quelle verve, quelle vie! Après une noble ouverture largement déployée, sept épisodes inspirés du roman de Cervantès rythment la geste héroïco-comique de «l’ingénieux hidalgo». L’humour de Telemann et celui de l’Orchestre de Chambre de Toulouse triomphent dans une attaque des moulins à vent de haute volée, époustouflante de virtuosité, d’engagement loufoque et de flamme guerrière, alors que les soupirs amoureux pour Dulcinée s’étirent dans une série de révérences élégantes et touchantes. Quant aux galops des deux montures contrastées, ils sont conduits avec la boiterie et le déhanchement cocasses d’une danse à la distinction inaboutie. Car il faut pour réussir ces tableaux enlevés les sens du rythme et du burlesque, mais aussi et surtout une perception fine de l’harmonie et de la délicatesse. L’auditeur doit sourire, et non s’esclaffer; ainsi l’interprète saura-t-il, pour esquisser ces silhouettes pittoresques et sensibles, éviter la lourdeur épaisse et le grossissement du trait, Cet équilibre est totalement abouti dans cette allègre évocation du Quichotte que complètent des pages plus rares, mais non moins vivantes. Ainsi du Concerto pour viole de gambe en quatre mouvements où excelle Anne Gaurier dont on aime la sonorité ronde, l’énergie rythmique, la virtuose jovialité (Allegro), et dans le splendide adagio, la pénétrante profondeur. Des quelques six cent ouvertures écrites par Telemann aux titres souvent savoureux, nos interprètes ont choisi celle en sol majeur dite la Bizarre et celle en ré TWV 55, suites de danses baroques françaises du meilleur aloi, courantes et rondeaux, branles et menuets, gigues et gavottes, placées ici encore sous le signe de la fantaisie qui donne son nom à un mouvement sans retenue, mais non pas sans tenue. Un Rossignol conclut même la Bizarre, qui n’est guère évocation d’un chant mélodieux, mais enivrement, griserie rythmique, effervescence en effet surprenants et fantasques. Une aussi étonnante Trompette s’intercalera, nouvelle fantaisie, dans la suite de la seconde ouverture. Gilles Colliard et son orchestre de chambre donnent par ailleurs à chaque danse son juste rythme, d’élégante majesté pour la courante, preste pour la bourrée, vif pour la chaconne. Tendre est la gavotte, souple la sarabande, léger le menuet. Et sur ces airs de cour, on imagine aisément les couples se former et s’apprivoiser. De fait, toutes œuvres confondues, cet enregistrement compose des scènes de théâtre dans lesquelles s’ébattraient, joyeux, loufoques ou plus rarement élégiaques, des personnages profondément humains, des «fêtes galantes» où chantent les désirs fous, les pulsions d’allégresse, les élans du cœur. La musique de Telemann si audacieusement simple, directe, exprime cette passion gaie d’être au monde et tous les interprètes ont l’art, alliance de fougue et de clarté, de suivre le compositeur dans cette célébration trop rare du rayonnement de la musique et de la vie.
Jean Jordy
Publié le 15/07/2019 à 06:09, mis à jour le 09/09/2021 à 19:45.