Johannes Brahms
Sonates pour clarinette et Trio
Johannes Brahms, Sonates pour clarinette et Trio. Trio, opus 114, Sonate opus 120 n°1, Sonate opus 120 n°2. Pascal Moraguès, clarinette, Frank Braley, piano, Christian Poltéra, violoncelle. CD. Indésens 67’50.
La rencontre avec un virtuose peut-elle régénérer une vie de création que l’on croyait épuisée? L’exemple de Brahms permet de répondre par l’affirmative. En 1890, le compositeur (1833-1897), admiré, célébré partout, affirme que son Quintette à cordes en sol majeur op. 111 sera sa dernière œuvre. En mars 1891, il fait la connaissance de Richard Mühlfeld, clarinettiste virtuose, qui lui permet de mieux apprécier les possibilités de son instrument. Quelques mois après à peine, naissent le Trio op. 114, et le prodigieux Quintette op. 115. Et dès 1894, les Sonates pour clarinette et piano témoigneront encore de ce renouveau: Brahms et Mühlfeld créeront les deux œuvres à Vienne en janvier 1895. Pascal Moraguès et Frank Braley, que secondent pour le Trio Christian Poltéra enregistrent la première puis les dernières de ses œuvres, avec une cohésion exemplaire. L’équilibre entre les voix se manifeste dès l’allegro du Trio, tissé de fils soyeux aux reflets subtils. Dans cette partition, ni lassitude ni habitude, mais la plénitude des moyens renouvelés. Les trois interprètes lui confèrent une noble douceur, quela clarinette de Pascal Moraguès pare d’une élégiaque tendresse, singulièrement dans l’Adagio sommet de l’œuvre, à la fois tenu, tendu et émouvant. La Sonate en mi bémol majeur op. 120 n°2 s’ouvre sur une mélodie à la clarinette belle et douce. Pascal Moraguès y déploie le velours sonore de l’instrument avec l’élégance de ligne d’un Ingres. Le chant s’élève avec tendresse, soutenu par un piano plus discrètement lyrique, mais qui reprend une place éminente, parfois péremptoire, dans l’épisode suivant, plus agité. Le troisièmemouvement trouve un parfait équilibre, alors que le bref allegro voit le bois accompagné d’un piano volubile déployer la riche palette de ses potentialités. L’interprétation de la Sonate en fa majeur séduit un peu moins. Le son un peu sec et droit du piano choisi (ce qui ne gênait pas dans le précédent opus) et la rondeur de la clarinette créent une alliance singulière qui joue plus sur les contrastes que sur l’harmonie et la fusion, au risque de décontenancer l’auditeur habitué à plus de confortable écoute. Le Vivace final cependant retrouve une liberté unrien narquoise, que Frank Braley et Pascal Moraguès nourrissent d’un esprit ludique des plus réjouissants.
Après les deux sonates transposées avec talent au saxophone par Nicolas Arsenijevic pour le même label etici même chroniquées, voici donc une vision fidèle au climat amical et artistique qui les a fait naitre. Ces belles œuvres d’arrière-saison sonnent moins comme un adieu nostalgique, que, auréolées de mystère et nimbées de lumière, comme de tendres reverdies, ces célébrations poétiques médiévales chantant le tendre retour du printemps. Et les trois interprètes nous les restituent dans leur fraicheur renouvelée.
Jean Jordy
Entretien avec les interprètes:
La rencontre avec un virtuose peut-elle régénérer une vie de création que l’on croyait épuisée? L’exemple de Brahms permet de répondre par l’affirmative. En 1890, le compositeur (1833-1897), admiré, célébré partout, affirme que son Quintette à cordes en sol majeur op. 111 sera sa dernière œuvre. En mars 1891, il fait la connaissance de Richard Mühlfeld, clarinettiste virtuose, qui lui permet de mieux apprécier les possibilités de son instrument. Quelques mois après à peine, naissent le Trio op. 114, et le prodigieux Quintette op. 115. Et dès 1894, les Sonates pour clarinette et piano témoigneront encore de ce renouveau: Brahms et Mühlfeld créeront les deux œuvres à Vienne en janvier 1895. Pascal Moraguès et Frank Braley, que secondent pour le Trio Christian Poltéra enregistrent la première puis les dernières de ses œuvres, avec une cohésion exemplaire. L’équilibre entre les voix se manifeste dès l’allegro du Trio, tissé de fils soyeux aux reflets subtils. Dans cette partition, ni lassitude ni habitude, mais la plénitude des moyens renouvelés. Les trois interprètes lui confèrent une noble douceur, quela clarinette de Pascal Moraguès pare d’une élégiaque tendresse, singulièrement dans l’Adagio sommet de l’œuvre, à la fois tenu, tendu et émouvant. La Sonate en mi bémol majeur op. 120 n°2 s’ouvre sur une mélodie à la clarinette belle et douce. Pascal Moraguès y déploie le velours sonore de l’instrument avec l’élégance de ligne d’un Ingres. Le chant s’élève avec tendresse, soutenu par un piano plus discrètement lyrique, mais qui reprend une place éminente, parfois péremptoire, dans l’épisode suivant, plus agité. Le troisièmemouvement trouve un parfait équilibre, alors que le bref allegro voit le bois accompagné d’un piano volubile déployer la riche palette de ses potentialités. L’interprétation de la Sonate en fa majeur séduit un peu moins. Le son un peu sec et droit du piano choisi (ce qui ne gênait pas dans le précédent opus) et la rondeur de la clarinette créent une alliance singulière qui joue plus sur les contrastes que sur l’harmonie et la fusion, au risque de décontenancer l’auditeur habitué à plus de confortable écoute. Le Vivace final cependant retrouve une liberté unrien narquoise, que Frank Braley et Pascal Moraguès nourrissent d’un esprit ludique des plus réjouissants.
Après les deux sonates transposées avec talent au saxophone par Nicolas Arsenijevic pour le même label etici même chroniquées, voici donc une vision fidèle au climat amical et artistique qui les a fait naitre. Ces belles œuvres d’arrière-saison sonnent moins comme un adieu nostalgique, que, auréolées de mystère et nimbées de lumière, comme de tendres reverdies, ces célébrations poétiques médiévales chantant le tendre retour du printemps. Et les trois interprètes nous les restituent dans leur fraicheur renouvelée.
Jean Jordy
Entretien avec les interprètes:
Publié le 24/03/2019 à 19:06, mis à jour le 09/09/2021 à 19:45.