Hermine Horiot
Boréales
Hermine Horiot, violoncelle. Jean Sibelius, Thème et variations, Ingvar Lidholm Fantasia Sopra Laudi, Peteris Vasks, Grāmata Čellam, Nicklas Schmidt, Fluctuation 13, Arne Nordheim Clamavi, Arvo Pärt, Fratres Avec la participation de Gaspard Dehaene, piano, du Quatuor Lumos, de Gauthier Broutin, violoncelle. CD 1001Notes. 68’
Rares sont les interprètes, jeunes ou plus âgés, qui dans l’élection de leur programme, font preuve d’audace, fuyant les tubes, osant les inédits, ouvrant sur la musique contemporaine. Hermine Horiot appartient à l’évidence à cette catégorie, celle des curieux, celle des braves. Proposer un album – récital de violoncelle consacré exclusivement à des compositeurs nordiques, d’où le titre Boréales donné joliment à cet ensemble, et à des œuvres (cinq sur six) écrites entre 1977 et 2017, relève du pari le plus téméraire. Et l’intrépidité se révèle payante. La seule concession pourrait être la présence des Thèmes et variations de Sibelius (1887). Mais dans ce choix l’insolence n’est pas moindre, tant le jeu fougueux, moderne, mordant de la jeune violoncelliste défie et dépasse les attentes. Œuvre de jeunesse du grand compositeur finlandais qui a beaucoup étudié Bach, elle épanche une ligne mélodique d’une grande douceur, altérée finement par des jeux colorées, où se donnent libre cours l’esprit et l’inventivité de l’interprète. L’instrument est plus tourmenté que caressé, moins moelleux que fermement conquis, traitement dont bénéficie la Fantasia Sopra Laudi du suédois Ingvar Lidholm, prière sans langueur, virile et digne. Grāmata Čellam du letton Peteris Vasks s’ouvre sur un cri de douleur que développe rudement l’expression austère d’un désarroi qu’on peut interpréter, peut-être abusivement, comme un sentiment de déréliction. S’imposent pour rendre la tension intérieure du Fortissimo une poigne de fer, un archet et des doigts qui ne tremblent pas, un engagement physique. La violoncelliste française se montre brillamment à la hauteur de l’enjeu. Pour le Pianissimo elle tire de l’instrument comme de sa propre voix des sons désespérés, comme fantômes errants, ou selon la suggestion de la jeune artiste, desimages de beauté éphémères, nées sitôt qu’apparues. D’une commande passée au compositeur danois Nicklas Schmidt est née Fluctuation 13. Plus qu’à la complexité mathématique qui en fonderait la structure et le mouvement, l’auditeur guidé par une interprète fusionnelle sera sensible aux jeux contrastés entre les plus hautes et les notes graves, au rythme inquiétant qui anime le final, aux échos des Suites pour violoncelle de Jean Sébastien Bach. Clamavi, dont le cri plus douloureux que le poétique mais anecdotique Boréales, aurait pu donner son titre à l’album, est une œuvre sans concession du norvégien Arne Nordheim. Le jeu investi de l’interprète en fait une prière sombre que délivre la voix du violoncelle dont les inflexions n’ont jamais été aussi proches de la voix humaine, «du cri au chuchotement» selon les mots mêmes du livret d’accompagnement. D’Arvo Pärt, le célèbre compositeur estonien né en 1935, Hermine Horiot a choisi la fameuse pièce Fratres dans une adaptation, agréée par le musicien, pour violoncelle, quintette à cordes, piano et électronique. L’effet acoustique de cet élargissement s’avère fascinant et consacre une universelle communion.
Ne le cachons pas. L’album se révèle austère mais d’une grande profondeur musicale et spirituelle. Admirons Hermine Horiot pour ses choix exigeants, la fougue de son interprétation, la plénitude de sa technique, les rudes beautés de son violoncelle, le caractère hardi de sa démarche et la conception élevée qu’elle a de son engagement artistique.
Jean Jordy
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Rares sont les interprètes, jeunes ou plus âgés, qui dans l’élection de leur programme, font preuve d’audace, fuyant les tubes, osant les inédits, ouvrant sur la musique contemporaine. Hermine Horiot appartient à l’évidence à cette catégorie, celle des curieux, celle des braves. Proposer un album – récital de violoncelle consacré exclusivement à des compositeurs nordiques, d’où le titre Boréales donné joliment à cet ensemble, et à des œuvres (cinq sur six) écrites entre 1977 et 2017, relève du pari le plus téméraire. Et l’intrépidité se révèle payante. La seule concession pourrait être la présence des Thèmes et variations de Sibelius (1887). Mais dans ce choix l’insolence n’est pas moindre, tant le jeu fougueux, moderne, mordant de la jeune violoncelliste défie et dépasse les attentes. Œuvre de jeunesse du grand compositeur finlandais qui a beaucoup étudié Bach, elle épanche une ligne mélodique d’une grande douceur, altérée finement par des jeux colorées, où se donnent libre cours l’esprit et l’inventivité de l’interprète. L’instrument est plus tourmenté que caressé, moins moelleux que fermement conquis, traitement dont bénéficie la Fantasia Sopra Laudi du suédois Ingvar Lidholm, prière sans langueur, virile et digne. Grāmata Čellam du letton Peteris Vasks s’ouvre sur un cri de douleur que développe rudement l’expression austère d’un désarroi qu’on peut interpréter, peut-être abusivement, comme un sentiment de déréliction. S’imposent pour rendre la tension intérieure du Fortissimo une poigne de fer, un archet et des doigts qui ne tremblent pas, un engagement physique. La violoncelliste française se montre brillamment à la hauteur de l’enjeu. Pour le Pianissimo elle tire de l’instrument comme de sa propre voix des sons désespérés, comme fantômes errants, ou selon la suggestion de la jeune artiste, desimages de beauté éphémères, nées sitôt qu’apparues. D’une commande passée au compositeur danois Nicklas Schmidt est née Fluctuation 13. Plus qu’à la complexité mathématique qui en fonderait la structure et le mouvement, l’auditeur guidé par une interprète fusionnelle sera sensible aux jeux contrastés entre les plus hautes et les notes graves, au rythme inquiétant qui anime le final, aux échos des Suites pour violoncelle de Jean Sébastien Bach. Clamavi, dont le cri plus douloureux que le poétique mais anecdotique Boréales, aurait pu donner son titre à l’album, est une œuvre sans concession du norvégien Arne Nordheim. Le jeu investi de l’interprète en fait une prière sombre que délivre la voix du violoncelle dont les inflexions n’ont jamais été aussi proches de la voix humaine, «du cri au chuchotement» selon les mots mêmes du livret d’accompagnement. D’Arvo Pärt, le célèbre compositeur estonien né en 1935, Hermine Horiot a choisi la fameuse pièce Fratres dans une adaptation, agréée par le musicien, pour violoncelle, quintette à cordes, piano et électronique. L’effet acoustique de cet élargissement s’avère fascinant et consacre une universelle communion.
Ne le cachons pas. L’album se révèle austère mais d’une grande profondeur musicale et spirituelle. Admirons Hermine Horiot pour ses choix exigeants, la fougue de son interprétation, la plénitude de sa technique, les rudes beautés de son violoncelle, le caractère hardi de sa démarche et la conception élevée qu’elle a de son engagement artistique.
Jean Jordy
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Publié le 27/12/2018 à 09:09, mis à jour le 04/05/2020 à 16:40.