Orangerie de Rochemontès
> 20 novembre

The last not the least

Photographies par Jean-Jacques Ader
Quelle féérie! Pour le dernier concert qu’elle proposait à Rochemontès, Catherine Kauffmann-Saint-Martin a choisi de présenter d’abord l’opéra de chambre imaginé par Orianne Moretti, soprano, A travers Clara, d’après les Correspondances et le Journal intime de Clara et Robert Schumann, sur des musiques de Clara et Robert Schumann, ainsi que de Jean-Sébastien Bach. Accompagnée par le pianiste russe Ilya Rashkovskiy, la jeune soprano illustre la relation complexe entre les deux compositeurs en chantant des Lieder de Clara, qui alternent avec des pièces pour piano de Robert. La passion, la douleur dans l’ombre de la folie sont illustrées avec un grand talent par deux excellents interprètes, Orianne jouant «Clara» en robe selon la mode du temps avec quelques accessoires bien choisis. Le résultat est très convaincant, on entre dans la vie intime de ce couple émouvant.
Un seul bémol, lié au parti pris de départ d’Orianne Moretti: elle aime Clara, qu’elle voit en victime faite toute de douceur et de sensibilité. Or, comme l’ont montré des travaux récents, Clara est en fait une femme égoïste, dont les enfants ont pâti de la dureté, tout comme sans doute Robert, un homme fragile et ultrasensible.
Un verre fait la transition avec le second concert qui dès 19h30 plonge les auditeurs dans une succession d’enchantements. C’est le temps de la soirée de gala présentée par François Castang, plein de verve et de finesse, comme à l’accoutumée. Ce sont les amis musiciens de Catherine, qui ont presque tous animé un dimanche de Rochemontès, qui proposent de véritables excursions musicales: Jean-Marc Andrieu à la flûte à bec, Yasuko Bouvard, au clavecin et Laurent Le Chenadec, basson, les complices de l’orchestre Les Passions, jouent avec talent et humour deux pièces de Tarquino Merula (dans la seconde le bassoniste devient flûtiste) et le délicieux Rossignol en amour de Couperin. Une mise en bouche tout en douceur, suivie par la triple prestation de Magali Léger, soprano, Laure Urgin, conteuse, et Frédéric Denépoux, à la guitare. Ils interprètent des poèmes de Federico Garcia Lorca, des pièces de Manuel de Falla et enfin d’Enrique Granados. Parfaitement rodés, les trois artistes savent aussi bien faire rire qu’émouvoir et le public est conquis.
On change complètement de registre avec Clara Cernat au violon et Thierry Huillet au piano. Après Les danseurs de Tango de Mandrini lus par Solange Bazely, les deux solistes se déchaînent avec Buenos Aires, création de cette nouvelle pièce de Thierry pour son épouse Clara, qu’ils jouent ensemble. On est loin des tangos classiques, c’est une véritable tornade dans laquelle se mêlent des réminiscences argentines et transylvaniennes. Le rythme des plus folles czardas n’est pas loin! C’est un triomphe qui salue la prestation du couple tant pour l’inventivité musicale que la qualité d’une exécution endiablée toutes deux très convaincantes.
François Riu-Barotte, piano, accompagne Martine Gonzalès qui met en joie l’auditoire en interprétant la célèbre Neurasthénie de Ricet Barrier, Les amis de Monsieur de Fragson et enfin le toujours amusant Ca m’fait quelqu’chose, tiré du Chanteur de Mexico de Francis Lopez.
François Castang lit des textes de Satie, La journée du musicien, Les enfants musiciens et la délirante Sonatine bureaucratique, en alternance avec les 3e et 5e Gnossiennes du même Satie. Un excellent moment qui se poursuit avec la Sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc, interprétée par Sandrine Tilly à la flûte et Thierry Huillet au piano, avant deux Haiku de Thierry Huillet. Un véritable temps de grâce. Les deux Haikus sont d’une exquise délicatesse.
Sébastien Linares, à la guitare, interprète Rafuga de Joachim Turina, puis la première Gnossienne, qu’il a transcrite. Avec Orianne Moretti, il passe à une mélodie polonaise, avant la berceuse corse d’Henri Tomasi, interprétée par Orianne, accompagnée d’Ilya Rashkovskiy, que l’on retrouve, seul, dans les saisons, juin, une barcarolle de Tchaïkovski.
Le gala se termine dans un immense éclat de rire par la barcarolle des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach chantée ensemble par tous les artistes et le public. C’est une parfaite transition avec le très beau cocktail dînatoire qui clôt ce dimanche.
Foin de la nostalgie, parce que demain est un autre jour. En tout cas, MERCI CATHERINE!

Danielle Anex-Cabanis
Publié le 09/12/2016 à 21:39, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.