Ferita d’Amore

Bellerofonte Castaldi
Evangelina Mascardi
Mónica Pustilnik
Marco Beasley

Deux jeunes femmes, théorbistes d’origine argentine, en compagnie de Marco Beasley pour le chant, nous offrent ici un très bel enregistrement de Bellerofonte Castaldi.
Ce poète, libre-penseur, qui dès sa naissance, avec son prénom extravagant, se voyait marqué du sceau d’une différence qui devait le conduire sur les chemins de l’exil et dans diverses prisons tout au long de sa vie. En 1999, il avait déjà fait l’objet d’un enregistrement marquant par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique, avec au chant une Guillemette Laurens tragique et bouleversante.
Ici la démarche est différente. Pas de basse continue et seulement deux madrigaux chantés. Mais quelle magnificence sonore. Il ne peut être plus belle façon pour ceux qui ne connaissent pas le répertoire pour théorbe de le découvrir ainsi, quant à ceux pour qui il n’a plus de secret, la virtuosité et la sensibilité des interprètes les enchanteront. Evangelina Mascardi au théorbe et Mónica Pustilnik au tiorbino (un petit théorbe dont la tessiture est d’une octave supérieure) créent des nuances infimes, légères, faisant battre le cœur de cette musique, semblant faire vaciller la flamme de tendres clairs-obscurs.
Elles se jouent des difficultés, révélant la grande inventivité poétique de ce compositeur ami de Monteverdi, révolté par les injustices de son temps et qui fit de la liberté un art de vivre, y compris dans le plus grand dénuement. Elles nouent une véritable complicité avec lui pour mieux faire vibrer la mélancolie qu’expriment les cordes graves de l’instrument avec tant d’expressivité et nous révèlent la musique de cet homme libre et fantasque. Ce goût du mystère qu’il cultivait jusque dans les titres des pièces du recueil, Capricci a due stromenti cioe Tiorba e Tiobino… dont sont issues celles qui figurent dans ce disque comme la Mascherina (la petite sorcière), Il bischizzoso (le sournois) et d’autres encore.
Et les doigtés arachnéens d’Evangelina Mascardi et de Mónica Pustilnik semblent tisser des fils de lumière, aux milles reflets d’or qui nous envoutent.
Marco Beasley chante ici deux madrigaux où sa voix naturelle charme et touche par des nuances aussi subtiles que celle des instrumentistes. Les blessures d’amour s’estompent grâce à la sprezzatura, noble et sereine si chère à la noblesse du début du XVIIe siècle.
La prise de son claire rend justice à la beauté sonore des instruments et le seul regret que l’on puisse émettre porte sur la traduction très approximative du livret, dont on se demande si elle n’est pas plutôt le fruit d’un traducteur automatique que d’un vrai travail de traduction.

Monique Parmentier

1 CD Arcana - Durée: 57’59’’
Publié le 29/11/2011 à 10:22, mis à jour le 26/01/2019 à 19:35.